Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du jeudi 18 juin 2020 à 21h30
Garantie salaire-formation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Depuis plusieurs semaines, nous sommes régulièrement appelés à débattre de la reconstruction de notre modèle économique et social. Je crois qu'il y a finalement un consensus parmi nous sur le fait que la plus grande erreur serait de construire le monde de demain en conservant les méthodes d'hier. Pourtant il est facile de tomber dans ce piège, simplement en opposant urgence écologique et urgences sanitaire et économique, alors qu'elles appellent toutes, me semble-t-il, au même changement structurel dans nos sociétés et qu'elles nous invitent à nous interroger sur la mondialisation à outrance, sur les chaînes de valeur mondiales ou encore sur les politiques publiques qui ont fragilisé nos systèmes de santé.

La gestion de la crise sanitaire que nous avons traversée a souffert de politiques en réaction et non en anticipation. Le défi qui nous attend désormais est immense, car il nous faut anticiper les dangers que représentent le dérèglement climatique, l'effondrement de la biodiversité et l'épuisement des ressources naturelles ; nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion sur ces sujets.

Aussi, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi constitue-t-elle un premier pas salutaire. Elle promeut l'idée d'une reconstruction écologique socialement acceptable en conditionnant de nouvelles formes de protection sociale à la prise en compte des enjeux liés à la transition écologique. Elle propose une autre voie, qui nous éviterait de répéter les erreurs commises face aux écueils de la crise de 2008.

Aux États et aux entreprises qui appellent à faire abstraction de la transition écologique et à prendre le temps de se relever de la crise économique afin de toujours et encore attendre pour en venir à la transition écologique, votre proposition de loi oppose un autre modèle, qui fait de la transition écologique la clé de voûte de la sortie de crise.

Pour autant, seul un véritable changement de stratégie nous permettrait d'atteindre cet objectif. L'État ne peut plus, comme en 2008, se contenter de socialiser les pertes des entreprises sans responsabiliser ces dernières. C'est pourtant la stratégie qui semble avoir été privilégiée par le Gouvernement.

Le groupe Écologie démocratie solidarité s'est déjà exprimé à ce sujet à l'occasion des annonces relatives au sauvetage de Renault. Bien sûr, l'État doit soutenir Renault et sauver ses savoir-faire et ses emplois, mais à condition de lui demander, en contrepartie, une transformation profonde de son activité. Le groupe EDS s'oppose à toute recapitalisation sans condition et souhaite que le sauvetage des entreprises soit subordonné à des critères sociaux et écologiques. Il faut faire vite car le taux de chômage s'envole déjà et dépassera la barre symbolique des 10 % dès cette année. N'oublions pas qu'il s'élevait tout de même à 8,6 % en janvier, c'est-à-dire avant la pandémie ; notre société souffrait déjà du chômage de masse, même si la courbe s'infléchissait dans le bon sens.

Reconstruire à l'identique ne nous permettra pas d'y remédier ; c'est précisément la raison pour laquelle il nous faut nous réinventer – le mot est à la mode, mais peut-être faudrait-il lui donner corps. Si certaines filières doivent être relocalisées et seront certainement créatrices d'emplois, d'autres subiront des transformations profondes et seront amenées à réduire voire à supprimer leurs activités. En donnant la priorité à la préservation des emplois existants, sans réflexion aboutie sur la nécessité de transformer certains d'entre eux, le Gouvernement répète encore et toujours les mêmes erreurs. Le plan de sortie de crise doit impérativement s'articuler autour de la question de l'accompagnement et de l'emploi dans la transition, car la reconstruction écologique crée énormément d'emplois, on le répète à l'envi.

Le potentiel d'emplois nets créés par la transition écologique a été chiffré à hauteur de 900 000 emplois par l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Pour la seule rénovation thermique des bâtiments – exemple cité de façon récurrente ce soir, et dont le groupe EDS a fait l'une de ses priorités – , chaque million investi créerait en moyenne quinze emplois ; sachant que pour être à la hauteur des besoins, il faudrait dépenser des milliards d'euros, c'est plutôt de bon augure. Investir dans les grands travaux écologiques pour générer des emplois et accompagner dans le même temps les transitions professionnelles, voilà ce que devrait être notre objectif.

Je crois qu'en axant votre proposition de loi sur la formation professionnelle, vous avez su mettre le doigt sur ce qui doit nous préoccuper ces prochains mois. La formation professionnelle est en effet une réponse au défi majeur qui nous attend : appréhender la crise économique et réinventer notre modèle de développement pour tenir compte de l'urgence écologique.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologie démocratie solidarité votera sans surprise pour la proposition de loi, même si elle comporte évidemment un certain nombre d'imprécisions – nous ne sommes pas totalement naïfs.

D'abord, il semble compliqué de faire reposer la charge de la formation uniquement sur les entreprises. C'est bien là le point faible du texte, à l'heure où ces dernières sont d'ores et déjà mises en difficulté par la crise sanitaire.

Ensuite, s'il y a un potentiel fort de créations d'emplois, pour l'activer, il est impératif d'accélérer la transition écologique. Nous espérons que les résultats de la Convention citoyenne pour le climat vont nous conduire dans cette voie. Nous aurons ces débats à l'occasion de l'examen du troisième projet de loi de finances rectificative ; le groupe EDS soutiendra alors un certain nombre d'amendements en ce sens.

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