La CFDT est satisfaite de la façon dont la première ordonnance organise les rapports entre la loi, la branche et l'entreprise. Nous apprécions que la qualité de l'emploi, en particulier la régulation des contrats atypiques, revienne à la branche : l'exemple du secteur routier a montré la possibilité d'adapter les règles dans ce secteur où les primes représentent une part très importante des salaires réels et où les entreprises de moins de dix salariés sont nombreuses. Or, ce sont bien ces salariés qui risquent d'être fortement pénalisés par d'autres dispositions des ordonnances.
La troisième ordonnance fait le pari qu'une flexibilisation à outrance créera des emplois : cela ne nous convainc pas. Elle comporte néanmoins des éléments de sécurisation – je pense notamment aux ruptures individuelles de contrats de travail. L'augmentation des indemnités légales n'est pas négligeable. En revanche, les dispositions relatives aux prud'hommes, mais aussi aux ruptures conventionnelles collectives, nous inquiètent.
Ce qui nous fâche c'est tout ce qui, dans les première et deuxième ordonnances, concerne le dialogue social. Au lieu de faire confiance aux acteurs pour arriver à des compromis satisfaisants pour tous, les ordonnances adoptent une vision très libérale – au sens économique du terme – selon laquelle le dialogue social est un mal, certes parfois nécessaire, mais un mal. Dès lors, il convient de le circonscrire autant que possible, voire d'en diminuer les moyens.
Nous sommes particulièrement choqués que l'on puisse se passer entièrement, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de l'intermédiation des syndicats. Depuis des décennies, la CFDT répète qu'un dialogue social ne peut pas se nouer directement entre l'employeur et ses salariés ; les syndicats apportent des compétences qui permettent d'établir un dialogue équilibré, libéré du lien de subordination à l'employeur. Ils ont, de surcroît, accès à des expertises.
Dans les entreprises de moins de vingt salariés, c'est encore pire – les décrets l'ont confirmé : l'employeur pourra décider de tout, unilatéralement, certes après un référendum et l'approbation de deux tiers des salariés – mais ces consultations seront organisées sans la moindre confidentialité. Et quel sens aurait au demeurant la confidentialité dans une entreprise de deux ou trois salariés ?
La fusion des instances représentatives du personnel (IRP) est une autre marque de défiance vis-à-vis du dialogue social. Il était possible de considérer que l'employeur et les salariés pouvaient en négocier la forme : ils peuvent négocier le calendrier, l'organisation des consultations, le contenu de la base de données économiques et sociales, mais ils ne peuvent pas décider de la forme des IRP !
Le nombre de salariés titulaires d'un mandat va diminuer considérablement. Certes, le décret prévoit davantage d'heures, la possibilité de mutualisation et d'annualisation – à l'intérieur d'une même organisation syndicale –, ce qui rétablit un peu l'équilibre. Mais chaque mandaté aura plus de travail.
Il vous revient maintenant de ratifier les ordonnances. Nous suggérons trois changements essentiels à nos yeux.
D'abord, nous souhaiterions que vous reveniez sur la possibilité pour l'employeur, dans les petites entreprises, de décider seul, après un pseudo-référendum, de déroger au code du travail.
Nous souhaitons également que le mandatement soit considéré comme une priorité dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Je souligne d'ailleurs que ces nouvelles dispositions créent des effets de seuil brutaux à vingt et cinquante salariés : quel chef d'entreprise voudra dépasser dix-neuf ou quarante-neuf salariés ? Il serait sain que toutes les entreprises soient soumises au même régime. Dans celles où aucune organisation syndicale n'est implantée, on pourrait remettre en place le mandatement.
On nous oppose que celui-ci n'a jamais fonctionné. Mais jusqu'à maintenant, il n'y avait guère de grain à moudre ! Aujourd'hui, les possibilités de dérogation au code du travail ou à l'accord de branche, donc les sujets de négociation au sein de l'entreprise, sont au contraire nombreuses – ce que la CFDT a approuvé, à condition que le dialogue social soit renforcé. Faisons plutôt le pari du mandatement ! Puisque, désormais, on peut négocier, que toutes les entreprises aient le même régime de représentation du personnel, qu'elles puissent toutes élire leur représentant, négocier grâce à lui ou grâce au mandatement syndical !
Enfin, la rupture conventionnelle collective est, à notre sens, l'une des dispositions les plus dangereuses contenues dans ces ordonnances. On nous dit que les directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) vont veiller au grain. Mais je ne vois pas, dans les faits, comment elles feront. Le risque est fort que les seniors perdent massivement leurs emplois ; les directeurs des ressources humaines (DRH) cachent à peine que cette mesure leur permettra une gestion plus « souple » des salariés ; ceux qui ont plus de cinquante ans seront la première cible. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) reçoit déjà beaucoup d'appels à ce sujet.