Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du jeudi 2 juillet 2020 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Tous ces amendements posent la même question : pourquoi l'article 5 n'accorde-t-il la compensation des pertes fiscales et domaniales qu'au bloc communal et non aux départements et aux régions??

Rappelons d'abord ce qui est fait pour chacune de ces collectivités. Le Premier ministre a confié à Jean-René Cazeneuve une mission temporaire relative aux conséquences sur les finances des collectivités territoriales de l'épidémie de covid-19. C'est à la lumière de ces travaux que le Gouvernement a proposé trois articles – les articles 5, 6 et 7 – répondant aux besoins de l'année 2020 – et de cette année seulement, car nous examinerons bientôt le projet de loi de finances pour 2021, qui corrigera éventuellement les difficultés que rencontrera par la suite chacune de ces collectivités. Il est important, en effet, de procéder étape par étape.

Je pourrais dire que, si les départements ne sont pas concernés par l'article 5, c'est parce qu'ils le sont par l'article 7?! Certes, il s'agit d'un autre outil, puisque ce dernier article prévoit des avances destinées à compenser les baisses de droits de mutation à titre onéreux – DMTO – plutôt que des prélèvements sur recettes – PSR. Mais souvenez-vous de la courbe dont je vous ai parlé en commission : les DMTO n'évoluent pas de la même manière : ils peuvent baisser, mais également remonter, plus fortement. Au moment de la reprise, dans les prochains mois et les prochaines années, l'augmentation des recettes de DMTO viendra davantage compenser les pertes que les recettes fiscales et domaniales ne pourront le faire pour le bloc communal. Il est donc normal que l'intervention de l'État n'emploie pas le même outil dans les deux cas.

Quant aux régions, nous en avons longuement débattu en commission. Elles n'ont pas les mêmes recettes que les autres collectivités ; leurs pertes ne sont donc pas comparables. Surtout, celles-ci ne se produiront pas au même moment. En 2020, les régions vont percevoir des recettes relativement stables. La CVAE et l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux – IFER – ne seront pas touchées. La mission Cazeneuve a évalué les pertes nettes de recettes fiscales à quelque 581 millions d'euros, soit une baisse d'à peu près 10 % de la capacité d'autofinancement brute des régions. Pour donner un ordre de grandeur, les départements, eux, vont connaître une baisse de plus de 30 %.

Je rappelle que, pour les régions d'outre-mer qui, proportionnellement, ont connu des pertes supérieures à celles des régions métropolitaines, l'article 6 propose la compensation des pertes d'octroi de mer et de taxes spéciales sur la consommation de carburant.

Notez – car c'est important – que les régions bénéficient déjà d'un mécanisme de garantie inscrit dans la loi : sans doute avez-vous vu, dans le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, qu'il va jouer à hauteur de 700 millions d'euros.

Tout cela mis bout à bout, on comprend pourquoi l'article 5 ne concerne que le bloc communal, communes et EPCI, pour leurs pertes fiscales et domaniales, et les AOM, sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir, notamment en parlant d'Île-de-France mobilités, tandis que l'article 6 traite des régions d'outre-mer, et l'article 7 des avances sur la perte de DMTO.

Le dispositif est donc bien équilibré, non seulement en tenant compte de la proportionnalité des pertes, mais aussi en variant les outils que l'État met en oeuvre. Cet équilibre est important : si la compensation financière est inédite, mais justifiée eu égard à la violence de la crise que subissent les collectivités territoriales, il faut rester vigilant quant à la situation des finances publiques de l'État, qui consent un effort proportionné aux pertes de chacune de ces collectivités. Au-delà des outils, nous devons respecter un impératif d'équité entre les collectivités, et veiller à ce que chacune d'elles soit aidée de la même manière, sans discrimination, en fonction de ses pertes et en tenant compte de la différence des outils fiscaux.

Encore une fois, ces mesures d'aide aux collectivités ne sont pas un solde de tout compte : c'est l'étape que nous parcourons aujourd'hui à la lumière de ce que nous comprenons des pertes fiscales et domaniales du bloc communal, des pertes de DMTO pour les départements…

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