Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du jeudi 2 juillet 2020 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Article 5

Olivier Dussopt, secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Comme M. le rapporteur général, je voudrais prendre le temps de développer quelques arguments à propos de cette première série d'amendements à l'article 5, ce qui me permettra ensuite d'aller plus vite.

Je rappellerai d'abord quel était l'état des finances locales au moment où les collectivités ont été frappées par la crise.

Il faut garder trois éléments à l'esprit. D'abord, la majorité s'est engagée à maintenir en 2020 le niveau global des dotations et chaque élu local a pu constater que, indépendamment des variations liées à la démographie ou à des coefficients que nous connaissons tous, cet engagement a été tenu, comme les années précédentes.

Deuxièmement, la situation s'était améliorée, les exercices 2018 et 2019 s'étant traduits successivement par des augmentations des capacités de financement des collectivités et de leurs capacités d'autofinancement de leur section d'investissement, par une augmentation du niveau de leur investissement, par une diminution de leur endettement et une amélioration de leur capacité de désendettement.

Enfin, les collectivités sont entrées dans la crise dotées d'une trésorerie globale – et je n'ignore pas que les chiffres globaux peuvent recouvrir des situations particulières très différentes – d'environ 40 milliards d'euros, et, depuis le début de la crise, le montant total de cette trésorerie n'est jamais descendu en dessous de 32 milliards d'euros, en fonction soit des décaissements, soit des douzièmes de fiscalité ou des douzièmes de dotation.

Nous avons demandé à nos services de procéder à un suivi particulièrement fin de la situation des collectivités. Aujourd'hui, nous pouvons vous indiquer que seule une petite quarantaine de collectivités connaissent une situation de trésorerie suffisamment difficile pour solliciter des avances de fiscalité et un peu plus de quatre-vingts collectivités rencontrent des problèmes de trésorerie qui les conduisent à solliciter des avances de dotation, auxquelles nous procédons pour les accompagner.

Le Gouvernement a choisi de proposer au Parlement un dispositif absolument inédit, comme l'a indiqué le rapporteur général. En effet, c'est la première fois que la compensation par l'État d'une perte de recettes ne fait pas suite à un vote du Parlement ou à une décision du Gouvernement réduisant telle ou telle ressource fiscale.

Plutôt que d'entrer dans une logique de compensation des dépenses, qui aurait inévitablement conduit à des discussions sans fin sur le périmètre des compensations, nous avons considéré qu'il était plus responsable et respectueux de l'autonomie des collectivités de compenser les recettes elles-mêmes.

J'en viens aux régions d'outre-mer. Comme indiqué par M. le rapporteur général, l'article 6 prévoit un dispositif qui couvre les pertes de recettes d'octroi de mer, garantissant ainsi leurs ressources.

Quant aux régions métropolitaines, elles disposent de plusieurs mécanismes de garantie. Il faut d'abord mentionner une conséquence calendaire du mécanisme de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE : le produit de cette cotisation ne baissera qu'en 2021. C'est donc lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 que nous aurons à nous pencher sur l'impact de cette baisse de recettes pour les collectivités.

Par ailleurs, comme indiqué par M. le rapporteur général, les régions bénéficient d'un double mécanisme de protection. Le remplacement de la dotation globale de fonctionnement – DGF – par une fraction du produit de la TVA, voté en 2017 et entré en vigueur en 2018, s'est accompagné d'une garantie : à aucun moment cette fraction ne peut être inférieure au montant de la DGF en 2017. Le même type de garantie a été instauré s'agissant des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE.

Si ces mécanismes de plancher pour la TVA et la TICPE n'existaient pas, la perte de recettes pour les régions aurait été supérieure de 700 millions d'euros à ce qu'elle est aujourd'hui. Ainsi, l'application des mécanismes de garantie prévus par le droit se traduit par un soutien de l'État aux régions à hauteur de 700 millions d'euros.

Concernant les départements, la logique est différente, puisque nous nous sommes mis d'accord avec l'Assemblée des départements de France pour appliquer un principe d'avances. Nous considérons que la question du remboursement des avances sera intimement liée aux discussions sur le financement des minima sociaux, et dépendra aussi du rythme auquel la situation des départements s'améliorera. Lors de la dernière crise systémique, le produit des DMTO a diminué de 10 % en 2008 et de 26 % en 2009, avant de retrouver une dynamique très forte dès 2010 et 2011, avec des augmentations de 30 %. Le retour à une bonne fortune pourrait donc être extrêmement rapide.

Concernant les communes et EPCI, madame Bonnivard, nous faisons jouer un mécanisme de garantie des recettes fiscales et domaniales. Certaines collectivités, parce qu'elles ont des recettes dynamiques, constateront qu'elles ne bénéficient pas de cette compensation. Nous l'assumons ; le filet de sécurité a été placé au niveau de la moyenne des recettes entre 2017 et 2019.

Nous n'avons pas intégré les pertes de recettes tarifaires aux compensations, pour deux raisons. D'abord parce que, pour ces recettes, on constate généralement des économies de constatation, dont le montant est extrêmement difficile à prévoir. Ensuite parce que les pertes de recettes tarifaires sont parfois liées à des décisions politiques, au sens noble du terme – exonérations, suppressions de tarifs décidées par les collectivités – , que l'État n'est pas obligé de prendre à sa charge.

Les montants évoqués – 2,7 milliards d'avance pour les DMTO, 750 millions d'euros de compensation des recettes fiscales et domaniales pour le bloc communal, et 700 millions d'euros liés à l'application des mécanismes de garantie déjà prévus par la loi pour la TVA et la TICPE pour les régions – sont des estimations fondées sur les hypothèses actuelles d'évolution des recettes. Bien évidemment, quand nous pourrons constater précisément l'évolution des recettes des collectivités, début 2021, nous la prendrons en compte pour régulariser la situation.

Les montants inscrits dans ce texte, et sur lesquels nous travaillons, reposent donc sur des estimations de pertes de recettes. Si celles-ci se révèlent plus importantes que prévu, l'État fera face. Mais nous souhaitons tous le contraire, qui serait une bonne nouvelle, car cela signifierait que l'impact de la crise n'a pas été aussi fort que nous le craignions.

Pour les raisons que je viens d'évoquer, en complément de celles données par le rapporteur général, l'avis du Gouvernement est donc défavorable. Vous me pardonnerez sans doute volontiers d'être plus bref sur les prochains amendements.

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