Intervention de Martine Wonner

Séance en hémicycle du jeudi 2 juillet 2020 à 21h30
Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Wonner :

Pour le groupe Écologie démocratie solidarité, le titre du projet de loi – « projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire » – dissimule l'organisation d'un état d'urgence à peine déguisé.

Si la pandémie est active dans certaines régions du monde, notamment sur le continent américain, le virus semble moins circuler en France. Il convient cependant de rester prudent et de ne pas sous-estimer les risques de résurgence de l'épidémie. Si l'on devait considérer que la situation nécessite la prolongation des mesures restrictives des libertés et attentatoires aux droits élémentaires des personnes, pourquoi ne pas l'assumer en prolongeant l'état d'urgence plutôt que de proroger ces mesures exceptionnelles qui n'ont plus lieu d'être aujourd'hui ?

Vous nous demandez en effet d'autoriser le Premier ministre à prendre, jusqu'au 30 octobre 2020, nombre de mesures prévues dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Il pourra ainsi limiter la liberté de circuler, l'accès aux moyens de transport, l'accès aux lieux recevant du public et les rassemblements sur la voie publique ; il pourra restreindre la liberté de manifestation et la liberté de réunion, qui, je vous le rappelle, sont des libertés fondamentales.

En première lecture, le groupe EDS avait fait part de ses incompréhensions concernant un texte qui transpose dans le droit commun des dispositifs de l'état d'urgence. Nous avions même plaidé pour que le Gouvernement, s'il l'estimait nécessaire, puisse prolonger l'état d'urgence durant la période estivale. Je rappelle que nous n'étions pas opposés à ce que le Gouvernement puisse prendre certaines mesures d'exception, le temps de s'assurer de la réussite absolue de la sortie de la crise sanitaire. Seule une prorogation de l'état d'urgence, plus courte, encadrée et concentrée sur les besoins réels, eût été acceptable. Au moins serions-nous dans le cadre d'un dispositif codifié, approuvé par le Conseil constitutionnel, juridiquement solide et respectueux du rôle du Parlement.

Or le texte soumis à notre examen en nouvelle lecture n'a pas permis de lever nos doutes. La situation sanitaire justifie-t-elle de déléguer au Gouvernement des décisions à ce point déterminantes sans que le Parlement puisse exercer son rôle le plus élémentaire ? Nous ne le pensons pas. Je rappelle que ces mesures, prises par voie réglementaire et pour une durée de quatre mois, ne feront l'objet d'aucun examen par le Parlement, ce qui altère encore davantage la séparation des pouvoirs.

Cette méthode ne peut durer. Notre démocratie ne peut plus supporter cette banalisation durable de l'état d'urgence. Il n'y a pas ici des irresponsables d'un côté et, de l'autre, ceux qui voudraient protéger les Français. Nous sommes convaincus de la nécessité de protéger de manière égale la santé des Français et leurs libertés publiques.

C'est pour cette raison, et pour décider en conscience, que le législateur doit s'appuyer sur les avis des scientifiques. Il faut en effet trouver le bon chemin : or c'est là, madame la secrétaire d'État, que vous vous égarez définitivement. En effet, non seulement nos doutes n'ont pas été levés, mais la commission a enrichi ce texte d'un dispositif qui, il faut le dire, nous alerte. Vous nous demandez d'adopter un texte qui, en plus des dispositions de nature à limiter nos libertés fondamentales par voie réglementaire, créerait des certificats d'immunité, véritables sésames pour pouvoir voyager. Le Sénat l'a certes proposé, mais comme solution alternative aux dispositions d'exception déjà prévues, pas comme une mesure supplémentaire. L'homme deviendrait ainsi un produit certifié conforme. Souvenons-nous des heures les plus sombres de notre histoire !

La question demeure donc entière : sommes-nous, oui ou non, en état d'urgence?? Soit la situation sanitaire justifie qu'il soit prolongé, soit ce n'est pas le cas, et il n'est pas raisonnable de déléguer au Gouvernement de telles dispositions concernant les libertés publiques. Ni les travaux de notre chambre ni ceux du Sénat, qui a d'ailleurs voté ce matin une motion de rejet préalable, n'ont permis d'apporter des solutions. Nous examinons ici un texte hybride, pernicieux, un état d'urgence qui ne dit pas son nom. C'est pourquoi les députés du groupe EDS ne voteront pas pour le projet de loi.

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