Monsieur Le Maire, chacun dans cet hémicycle connaît votre cohérence idéologique, à laquelle, pour notre part, nous sommes résolument opposés. Je ne peux donc pas vous cacher ma surprise de ne vous avoir entendu citer, pour tout potage, que des ministres des finances d'Ancien régime, sans qu'un seul nom, sur les 155 qui se sont succédé à ce poste depuis le début de l'ère républicaine en France, n'ait trouvé grâce à vos yeux, pas même celui de Jacques Rueff, dont on aurait pu penser qu'il aurait un sens pour un ancien gaulliste comme vous. En 1439, Jacques Coeur est ministre de Charles VII, certes, mais il est tellement concussionnaire et multinationaliste que le roi lui-même le fit arrêter. Quant à Colbert, vous savez comme il est discuté de nos jours. J'ai d'ailleurs songé que vous aviez peut-être envie d'agiter un peu les braises, Jacques Coeur et Colbert étant tous les deux sur la sellette en ce moment.
En attendant, notre désaccord se concentre peut-être sur un point – car il faut bien le résumer. Vous dites que le problème de l'économie française n'est pas la demande, mais l'offre ; nous avons un point de vue exactement inverse. Nous pensons que le problème de l'économie française, c'est la demande ; c'est qu'elle n'est pas solvable, avec plus de 5 millions de chômeurs officiellement déclarés ; c'est que tout le secteur de l'économie informelle a plongé dans le néant ; c'est qu'on dénombre 9 millions de pauvres. Si tous ces gens se remettaient à penser à leur avenir et à le préparer, en consentant aux investissements que la vie quotidienne exige d'eux, le pays redémarrerait, ce qu'il ne fera pas.
Comment pouvez-vous dire que vous n'appréciez pas la comparaison entre la France et l'Allemagne, vous qui y êtes sensible plus qu'un autre, pour avoir affirmé en commission des finances que, si le déséquilibre entre Français et Allemands à la sortie du confinement économique est trop prononcé, la zone euro n'y résistera pas ? On se demande comment elle résistera, au vu de l'approche que vous en avez vous-même. Comment pouvez-vous dire que les mêmes sommes sont décaissées de part et d'autre, quand les Français auront mis 5 milliards et les Allemands 730 milliards ? N'y a-t-il pas là un écart…