Il ne fait désormais guère de doute que notre pays sera un de ceux qui connaîtront la pire récession en 2020. Alors que le PIB mondial devrait reculer de 4,9 % selon les derniers chiffres du FMI, en France, du fait de la virulence de l'épidémie et du choix d'un confinement dur, la récession serait de 12,5 %.
Le 14 mai, le Président de la République annonçait avec solennité 500 milliards d'euros pour sauver notre économie mais ce montant impressionnant cache des dépenses effectives de 58 milliards. Des prêts garantis pour un montant de 300 milliards ont également été promis, qui ne devraient pas en réalité dépasser les 100 milliards. C'est un effort important mais l'échelle n'est pas la même, surtout si on le compare aux plans de nos voisins européens.
Ce troisième projet de budget rectificatif prévoit tout d'abord de renforcer les leviers destinés à répondre à l'urgence. Je pense au fonds de solidarité, abondé d'1,2 milliard d'euros supplémentaires, ou au dispositif de chômage partiel qui bénéficie d'une rallonge de 5 milliards. Nous avions d'ailleurs dit que les enveloppes prévues dans le dernier PLFR étaient insuffisantes.
Le recours massif au chômage partiel a permis d'éviter des vagues de licenciements. Il a d'ailleurs donné lieu à des abus importants. Nous réitérons donc notre demande de renforcer les moyens de contrôle. Parallèlement, au regard des sommes engagées, il importe d'accompagner les entreprises dont l'activité ne reviendrait pas rapidement à la normale. À ce sujet, nous soutenons le scénario d'une transition vers une activité partielle de longue durée, conditionnée au maintien de l'emploi. En effet les semaines et les mois qui viennent sont ceux de tous les dangers, avec le risque d'une multiplication des défaillances.
Au-delà de l'urgence, le PLFR traduit également la volonté de concentrer les moyens sur les secteurs les plus touchés : automobile, aéronautique, tourisme, culture, arts, spectacles en particulier. Les mesures exceptionnelles d'exonération de cotisations vont dans le bon sens mais il reste des trous dans la raquette, nos discussions en commission l'ont démontré. Pourquoi ne pas simplifier le mécanisme d'exonération et l'ouvrir à l'ensemble des entreprises qui connaîtraient une baisse significative de leur chiffre d'affaires ?
S'agissant du secteur touristique, nous connaissons son poids dans notre économie, surtout dans certaines régions, où ce secteur fonde tout un écosystème – je pense notamment à la Corse, pour laquelle le Gouvernement avait annoncé des mesures spécifiques qui n'apparaissent pas dans ce PLFR. Nous serons donc particulièrement attentifs au suivi des feuilles de route sectorielles, qui doivent associer les collectivités concernées, et à la prise en compte de toutes les filières d'approvisionnement par les dispositifs de soutien.
S'agissant du volet territorial de ce PLFR, notre avis sur le plan de 4,5 milliards d'euros est contrasté. Nous prenons acte de la compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales du bloc communal et du milliard d'euros supplémentaire de soutien à l'investissement public local, mais comment se satisfaire de ce que vous proposez aux départements ? Ceux-ci ne bénéficieraient que du mécanisme d'avances remboursables, alors qu'ils subiront non seulement une diminution de leurs ressources, en particulier des DMTO, les droits de mutation à titre onéreux, mais aussi une augmentation de leurs dépenses de solidarité, au titre du RSA notamment. Ce fameux « effet de ciseaux » n'est que marginalement adouci par quelques amendements adoptés en commission.
Que dire enfin de l'absence de mesures de compensation financières pour les régions ? Ces dernières s'attendent pourtant à perdre entre 1,5 et 1,8 milliard de recettes. Un plan d'aide sera-t-il conditionné à un report des élections ?
Au-delà des dispositions de ce troisième projet de budget rectificatif, dont certaines reçoivent notre assentiment, je veux insister sur deux manques, et d'abord sur la faiblesse des mesures sociales. Alors que la crise actuelle, plus encore que celle de 2008, a contribué à creuser les inégalités sociales, on ne trouve quasiment aucune mesure à destination des plus précaires, des plus fragiles.
Autre absence, celle d'une politique de relance globale. À titre de comparaison, nos voisins allemands ont adopté un grand plan de 130 milliards d'euros, comportant un volet de modernisation économique. Il importe d'agir vite pour donner de la visibilité et des perspectives à nos entreprises. C'est pourquoi nous demandons la présentation rapide d'un plan global de relance qui concilie ambition économique et impératif écologique.
Le Président de la République a annoncé ce matin que des mesures feraient suite au rapport de la convention citoyenne. Elles ne trouvent pas place dans ce texte et il nous faudra attendre l'automne pour les connaître mais, messieurs les ministres vous pourriez peut-être nous éclairer sur les orientations des 15 milliards supplémentaires sur deux ans annoncés pour la transformation écologique.
Nous vous le disons depuis le premier budget rectificatif, l'urgence climatique et environnementale nous impose de sortir des discours. Le temps n'est plus aux constats, aux choix politiques audacieux, il est à l'action.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra ou votera contre, selon les résultats de nos débats.