La fin de l'état d'urgence signifie-t-elle la fin de l'épidémie ? Le Gouvernement aimerait vous dire que oui. Nous aimerions dire que le pire est derrière nous et que nous pouvons sans crainte retrouver une vie sereine, à défaut d'être insouciante. Mais c'est faux : le virus n'est pas derrière nous. Si nous pouvons nous réjouir de voir que sa circulation faiblit, nous ne devons sous aucun prétexte relâcher nos efforts et notre vigilance. Rien ne serait pire qu'une deuxième vague meurtrière.
Le Gouvernement entend les doutes qui ont pu s'exprimer sur ce projet de loi. Nous regrettons l'échec de la commission mixte paritaire mais nous en prenons acte. Cela nous invite à trouver ensemble de nouveaux équilibres. Un travail de grande qualité a été engagé avec le Sénat mais des désaccords ont surgi sur la gestion d'une résurgence de l'épidémie au niveau local. Les équilibres que nous devons trouver, Mme la rapporteure l'a dit en commission, doivent être guidés par les principes de responsabilité et d'efficacité. Notre responsabilité à tous, c'est d'éviter tout risque de reprise de l'épidémie. C'est de nous donner les moyens d'agir sans avoir à déclencher à nouveau l'état d'urgence sanitaire. L'efficacité que nous devons rechercher ensemble, c'est donc bien celle d'un texte qui évite tant la sortie sèche que la prorogation. Le texte que nous présentons est la seule alternative à ces deux écueils.
Des points de consensus ont déjà été trouvés. Je pense en particulier à l'article 2 relatif à la recherche et à la surveillance épidémiologique, qui a fait l'objet d'un vote conforme au Sénat. Par ailleurs, nous savons que la réponse à la menace sanitaire doit être revue et réorganisée ; une clause de revoyure a été prévue, d'ici au mois d'avril 2021, pour tirer tous les enseignements de la crise.
On peut trouver ce projet de loi imparfait ; on peut estimer qu'il ne va pas assez loin dans le retour à la normale que nous attendons avec impatience. Mais on ne peut pas nier que la situation requiert une prudence individuelle et collective de chaque instant. La prudence, ce n'est pas de la frilosité : c'est de la responsabilité. Refuser de voir le risque d'une deuxième vague, c'est oublier un peu vite ce qui s'est produit dans notre pays ces dernières semaines. Le retour du droit commun, c'est la fin de l'exception – nous en sommes très heureux – , mais ce n'est pas la fin de la vigilance.
L'état d'urgence sanitaire n'a pas été présenté par complaisance. Nous n'avions pas le choix, et si c'était à refaire, nous ne ferions pas autre chose. Lorsque des vies sont en jeu, c'est une épreuve de vérité collective : les circonstances révèlent quelles sont nos valeurs les plus fondamentales. La santé de nos concitoyens, les solidarités qui protègent chacun : voilà les valeurs fondamentales que le Gouvernement a choisi pour guider notre nation au cours des dernières semaines. S'il y a des décisions qui coûtent, il y a des enjeux qui n'ont pas de prix.
Aujourd'hui, au regard des difficultés qui se présentent devant nous et des inquiétudes qui frappent tant de secteurs, nous prolongeons des mesures dont la seule vocation est de protéger la santé des Français. Nous préférons une sortie de l'état d'urgence sanitaire qui ne fasse pas comme si rien ne s'était passé. Oui, nous préférons une sortie qui anticipe la possibilité tant redoutée d'une deuxième vague.
Nous sommes sur une ligne de crête : d'un côté, la prorogation, que personne ne souhaite ; de l'autre, la sortie sèche, que personne ne comprendrait. Alors, restons sur cette ligne de crête et trouvons ensemble le bon équilibre pour que le retour à la normale ne soit pas le nom d'une amnésie collective.