Après l'échec de la CMP, nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture le projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Comme nous l'avons déjà dit, contrairement à ce qu'il prétend, ce texte n'organise pas la sortie de l'état d'urgence sanitaire, mais en proroge les principales mesures : la restriction de la liberté de circulation, la fermeture d'établissements recevant du public, et des contraintes pouvant aller jusqu'à l'interdiction de réunion et de manifestation.
On dirait que le Gouvernement ne sait pas exactement où il nous emmène. D'un côté il nous dit que nous sommes sortis du confinement, et d'un autre qu'on y reste quand même : bref, on fait un pas en avant et un pas de côté. Il nous propose aussi de légiférer au cas où certaines dispositions seraient nécessaires, au motif que nous suspendrons nos travaux cet été. Tout cela n'est pas très compréhensible.
Certes, nous sortons d'une période dramatique. Il y a eu des milliers de morts et nous avons vécu dans l'angoisse. Il était donc normal de prendre des dispositions telles que l'instauration de l'état d'urgence sanitaire. Mais aujourd'hui, je ne vois pas sur quel fondement le Gouvernement nous invente une troisième voie qui ne correspond ni au droit commun ni à l'exception : une sorte de transition, et qui, surtout, durera jusqu'au mois d'octobre. On pourrait à la limite comprendre une prorogation pendant le mois d'août, lorsque l'Assemblée ne siégera pas ; mais pourquoi faire durer aussi longtemps des dispositions qui, de fait, organisent l'état d'urgence sous une autre forme ?
Les sénateurs avaient encadré ce régime transitoire d'une manière beaucoup plus satisfaisante en supprimant la possibilité, pour le Gouvernement, d'interdire déplacements et manifestations et en maintenant le pouvoir de réglementer l'accès aux transports et l'ouverture des établissements accueillant du public. Les évolutions introduites par le Sénat se rapprochaient ainsi des demandes du groupe Socialistes et apparentés. S'agissant de la liberté de manifestation, autre point auquel nous sommes très attachés, le Sénat avait supprimé le régime d'autorisation préalable créé par l'Assemblée nationale. Malheureusement, la CMP n'a pas suivi ces propositions.
Dans le texte initial, vous avez maintenu une mesure qui nous pose problème : le fait de conserver pour une durée beaucoup plus longue les données personnelles collectées par les brigades médicales. Cette exploitation prolongée s'appuie certes sur des motifs raisonnables, mais, s'agissant de données à caractère sensible, elle nous apparaît regrettable. Nous sommes donc dubitatifs devant cette modification de règles que nous avons adoptées très récemment.
En somme, nous considérons que vous utilisez l'urgence sanitaire pour faire entrer peu à peu notre société dans une sorte d'état d'exception, ce qui nous semble très dangereux pour les libertés publiques. C'est pourquoi, en l'état, le groupe Socialistes et apparentés ne peut que s'opposer à ce texte. En effet, nous souhaitons défendre le respect plein et entier de nos libertés.