Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures spéciales, mes chers collègues, « en vous accueillant [… ], la France démontre qu'elle n'est pas une communauté de sang, mais une communauté d'idéaux, [… ] de valeurs », déclarait le Président de la République le 27 juillet dernier dans son discours d'Orléans. Cette promesse républicaine d'ouvrir notre communauté à ceux qui n'en ont plus est à la hauteur de la tradition d'accueil et d'humanisme de notre pays.
C'est à l'école, en particulier, qu'il nous faut la faire vivre, en faisant une place à ces enfants venus d'ailleurs, en leur apportant soutien et réconfort, en leur donnant la possibilité de se structurer et de se projeter dans un avenir, une culture, une langue, enfin en leur permettant d'accéder à la communauté scolaire et, à travers elle, à la communauté nationale. C'est ce que l'école de la République a toujours fait, et c'est ce qu'elle continue à faire aujourd'hui. Car tous les enfants âgés de 6 à 16 ans, quelle que soit leur nationalité, dès lors qu'ils résident sur le territoire national, doivent être scolarisés conformément à la loi.
Dans le cadre du volet consacré à la scolarisation des enfants des migrants au sein du rapport que Bertrand Sorre et moi-même avons préparé, je me suis rendue la semaine dernière dans une classe d'accueil du collège Thomas Mann, dans le XIIIe arrondissement de Paris. J'ai vu le bonheur, l'envie et la fierté qu'ont ces enfants d'apprendre notre langue. J'ai vu aussi l'esprit de bienveillance qui règne dans cette classe : bienveillance de l'enseignante, remarquable, envers ses élèves ; bienveillance mutuelle de ces élèves, qui s'entraident et se traduisent les uns aux autres les mots non compris ; bienveillance des plus anciens, qui ont quitté la classe, envers les « nouveaux », qu'ils reviennent épauler à la récréation.
Je veux ici rendre hommage aux enseignants, aux chefs d'établissement, aux formateurs du CASNAV – centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs – mais aussi aux parents d'élèves et aux associations dont l'attention, le dévouement et le professionnalisme permettent à ces enfants d'être scolarisés dans de bonnes conditions. J'insiste sur cet aspect, car il nous a semblé que, en la matière, le facteur humain, l'« effet maître » et la présence de l'entourage jouaient un rôle particulièrement important.
Plus généralement, notre constat au terme de nos travaux est le suivant : le dispositif d'accueil et de scolarisation des élèves allophones, essentiellement dans le cadre des CASNAV et des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants – UPE2A – est bien implanté et fonctionne plutôt bien ; pourtant, face à la crise migratoire sans précédent que connaît notre pays, le risque d'embolie du système est élevé.
En effet, le dispositif actuel apparaît trop rigide et peu réactif face aux situations de tension. En primaire, les réticences de certains maires, pourtant illégales, peuvent bloquer l'accès à l'école de ces enfants. Dans le secondaire, les délais d'affectation en établissement sont souvent trop longs – jusqu'à cinq mois. En ce qui concerne les mineurs isolés étrangers, dont le nombre a très certainement vocation à augmenter dans les années à venir, les difficultés rencontrées par l'aide sociale à l'enfance dans le traitement des demandes privent nombre d'entre eux d'une scolarité à laquelle ils ont pourtant droit.