Intervention de Brahim Hammouche

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 22h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrahim Hammouche :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure spéciale, madame la rapporteure pour avis, chers collègues en vos grades et qualités, « la pauvreté ne se choisit pas, mais elle peut se garder », nous prévient Albert Camus. On compte, en France, près de 9 millions de pauvres, soit 14 % de la population, dont près de 20 % ont moins de dix-huit ans et près de 36 % appartiennent à des familles monoparentales. Déjà, en 2012, une étude de l'INSEE indiquait qu'en cinq ans, un tiers des Français avait été concerné par la pauvreté : un tiers, donc, a subi une violation de ses droits humains fondamentaux à une égale dignité, tant individuelle que collective ; un tiers a traversé cet exil intérieur qui sépare des millions d'hommes de leur propre pays. Point d'égalité et de liberté sans fraternité, ce respect mutuel de toutes et tous, cette solidarité républicaine active qui permet de sortir de la scandaleuse misère du monde !

Avec 19,2 milliards d'euros de crédits, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », en hausse de près de 8,6 % par rapport à 2017, affirme notre responsabilité mutuelle de lutter contre la pauvreté et pour la cohésion sociale. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, qui réunit les démocrates sociaux, approuve les deux logiques qui le sous-tendent.

En premier lieu, il pérennise et approfondit des mesures de justice sociale et d'égalité, que nous saluons. J'évoquerai principalement la hausse de la prime d'activité pour soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs pauvres : 2,6 millions de foyers, dont plus de 15 % de personnes âgées de dix-huit à vingt-quatre ans, qui touchent actuellement en moyenne 160 euros de prime d'activité, verront ce montant croître jusqu'à 80 euros par mois au cours du quinquennat. Ce quinquennat sera donc celui du pouvoir d'achat. Cette démarche concerne également les aides aux politiques d'insertion des départements, avec la dotation exceptionnelle de 50 millions d'euros et 143 millions d'euros de crédits de paiement accordés pour prendre en charge, à titre exceptionnel, une partie des surcoûts de l'ASE, l'aide sociale à l'enfance. Enfin, ce budget sanctuarise les crédits en faveur de l'égalité femmes-hommes pour financer, entre autres, des actions de promotion des droits ou de prévention et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

En second lieu, cet exercice budgétaire pose les bases d'une convergence des minima sociaux par le haut, que nous souhaitons encourager. Elle vise en effet à faire en sorte que plus personne en France ne vive sous le seuil de pauvreté. Nous nous félicitons d'avoir été entendus sur plusieurs points de vigilance soulevés en commission élargie, ce qui a permis notamment d'éviter toute rupture de droits consécutive à la modification du plafond de ressources pris en compte pour le calcul de l'AAH des couples. Ainsi, l'AAH, qui bénéficiera à 1,1 million de personnes, sera revalorisée et portée à 860 euros dès le 1er novembre 2018 puis à 900 euros en 2019, soit un effort de 2 milliards d'euros sur la durée du quinquennat. À taux plein, son montant rejoindra celui du minimum vieillesse, qui atteindra 903 euros en 2020. Par ailleurs, les droits des bénéficiaires du complément de ressources supprimés en 2019 seront maintenus.

Cependant, notre groupe, favorable au versement social unique, estime que la lutte contre les taux de non-recours aux prestations sociales est une condition sine qua non de la solidarité. Ainsi, nous demandons par voie d'amendement que le Gouvernement revienne sur la suppression du bénéfice de la prime d'activité aux salariés touchant une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ou une pension d'invalidité, au motif que le taux de recours est trop faible. Nous pensons que des actions d'information auprès des publics concernés doivent être préalablement entreprises, avant d'envisager des ajustements.

Vous le savez, notre groupe entend assurément peser sur les débats budgétaires et renouveler l'exercice afin d'en être pleinement acteur. Dans cette perspective, je souhaite ouvrir deux pistes de réflexion.

La première porte sur la question du handicap et, plus largement, sur la façon dont notre obsession de la norme et de la normalisation conduit à produire de l'exclusion. Cela se vérifie tout particulièrement pour les politiques autour du handicap, qui échouent pour une part à transformer notre regard sur le handicap, ramenant l'autre à son déficit, son incapacité ou son inaptitude. Je crois ainsi nécessaire d'oser le changement de paradigme et de favoriser la convergence des dispositifs spécifiques, notamment financiers.

Il est un autre sujet qui me tient particulièrement à coeur : la lutte contre la maltraitance à l'encontre des personnes en situation de fragilité. Il s'agit non pas tant d'inventer une politique de la bientraitance ou de prétendre réapprendre aux soignants et aux aidants la bienveillance, alors qu'ils sont déjà épuisés aux plans psychique et physique, que de comprendre, d'un point de vue systémique, comment ces gouvernances produisent ce coût de la maltraitance. Il s'agit d'établir des balises de sauvetage de sens, en reposant à chaque instant la question humaine, de la conception à l'évaluation des politiques publiques, en impliquant à chaque étape praticiens, usagers et citoyens, pour une véritable approche humaniste, c'est-à-dire pour mettre l'homme au centre de nos pratiques, en tout cas pour une approche centrée sur la personne.

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