Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure spéciale, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, si cette mission connaît une hausse d'1,5 milliard d'euros, nous ne pouvons toutefois pas évacuer de discrets coups de rabot, voire de véritables angles morts. Le groupe Nouvelle Gauche vous en a fait part et vous avez reconnu qu'il y avait en effet certains problèmes.
Évoquons tout d'abord la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés, qui ne concernera pas les couples puisque vous choisissez de rapprocher les règles de celles du RSA, au nom d'une logique d'équité qui reste à démontrer. Vous avez promis une mesure de lissage : comment ? quand ? pour qui ? Madame la ministre, je vous avais lu, dans cet hémicycle, lors des questions au Gouvernement, le courrier de Thomas, adulte en situation de handicap qui a le tort de vivre en couple : « Je ne veux pas me retrouver comme un fardeau pour la personne que j'aime. » Pouvons-nous réellement accepter pareil recul pour les personnes en situation de handicap ? Sur quel fondement un couple éligible à l'AAH est-il à rapprocher d'un couple percevant le RSA ? Il s'agit non seulement d'une question budgétaire mais d'une vraie question de fond.
S'agissant des aidants familiaux, qui s'apprêtent à subir le taux le plus important de CSG dès le 1er janvier prochain, à la suite de mon interpellation et de celle de Gilles Lurton, le ministre de l'action et des comptes publics a reconnu qu'il y avait là, selon ses propres mots, « une erreur, en tout cas une injustice », et a promis qu'une solution serait présentée en nouvelle lecture. Sachez que nous serons, tout comme les associations, particulièrement vigilants sur ce point.
Dans la fusion à la baisse des deux compléments de l'AAH, qui feront perdre 75 à 179 euros par mois à des personnes vivant déjà sous le seuil de pauvreté, vous voyez de la simplification, quand nous y voyons de la paupérisation.
Je voudrais également évoquer une question qui m'est chère, d'une particulière gravité. Il s'agit du drame qui a endeuillé l'île de La Réunion il y a moins de quinze jours. Le 28 octobre dernier, Corinne, quarante-deux ans, mère de deux enfants, est décédée sous les coups de son conjoint. Elle était en procédure de divorce. Il l'a frappée avec des haut-parleurs, lui fracassant la boîte crânienne. Depuis le début de l'année 2017, sur la seule île de La Réunion, Ariette, Jessie, Nicole, Suzanne et maintenant Corinne : cinq femmes ont été tuées par leur conjoint. Et nous ne sommes qu'en novembre ! Nous déplorons ainsi un « féminicide » tous les deux mois. Nous vivons dans un pays où, tous les trois jours, une femme est assassinée par son conjoint. Nous vivons dans un pays où, chaque heure, près de neuf femmes sont violées, soit plus de 200 par jour. Nous vivons dans un pays où le harcèlement sexuel est une réalité quotidienne pour trop d'entre nous.
Devant ces chiffres accablants, il est de la responsabilité de l'ensemble de la classe politique de tout faire pour que, le plus rapidement possible, plus aucune femme ne soit victime de violences. Nous soutenons ainsi totalement la grande cause quinquennale dédiée à l'égalité femmes-hommes. De même, lors de l'examen de la prochaine loi sur les violences sexuelles, le groupe Nouvelle Gauche sera au rendez-vous.
Cependant, lorsque des reculs sont à déplorer, il nous faut les souligner car ils seront lourds de conséquences pour nos concitoyens. Nous regrettons ainsi vivement que le budget dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes soit en baisse en 2018. La hausse affichée n'est due qu'à un tour de passe-passe : les crédits correspondant aux établissements d'information, de consultation et de conseil familial, auparavant rattachés au programme 304 « Inclusion sociale » ont été transférés à l'identique sur l'action 12 du programme. L'enveloppe de 2,8 millions permet d'expliquer la hausse artificielle. Sans ce tour de passe-passe, le programme serait en baisse, compte tenu de l'inflation budgétaire.
La quasi-totalité des actions du programme sont en diminution, notamment l'action « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains », qui perd 1,8 million d'euros, ce qui ne manque pas de nous inquiéter. On nous assure que le budget dédié à l'égalité femmes-hommes sera totalement exécuté en 2018. Quelles assurances avons-nous ? Alors que nous assistons, sur certains territoires, à un recul de la mobilisation des collectivités locales en faveur de cette cause et que les contrats aidés seront en baisse drastique au cours de l'année 2018, les associations seront vraisemblablement très affaiblies dans leur capacité à mobiliser des financements.
Il s'agit d'un enjeu très grave, si ce n'est de l'un des plus graves dans notre pays. Comment pouvons-nous admettre une baisse des crédits en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, alors même que la parole des femmes se libère, ce qui nous invite à redoubler d'efforts ? Ces inquiétudes sont particulièrement vives.