La solidarité, dans notre République, ce n'est pas une option. Il ne doit pas être possible de s'y soustraire si facilement. Que votre gouvernement fasse respecter la loi, qu'il fasse payer ceux qui, par leur manque de sens civique, doivent être tenus personnellement responsables quand une maternité est fermée et qu'un accouchement se passe mal, quand des gens meurent de froid dans la rue car il y a trop peu de places en hébergement d'urgence, quand quelqu'un renonce à se soigner parce que cela va lui coûter trop cher ! Il est trop facile de penser que l'on peut voler la communauté nationale sans en être tenu pour responsable.
En réalité, sans ces ressources volées à l'État et dues à l'ensemble des Françaises et des Français, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est une coquille vide. Quand l'impôt devient dégressif, quand on paie moins lorsqu'on gagne plus, comment voulez-vous qu'il soit consenti ? Nous vous proposons une réforme fiscale dans laquelle chacun contribuera selon ses moyens pour que nous puissions toutes et tous vivre selon nos besoins.
J'essaie de vous convaincre, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, chers collègues, que la solidarité ne se résume pas à une mission, à quelques pages dans un projet de loi de finances. Elle est l'esprit de la République sociale ; elle devrait être au coeur de toutes les politiques publiques. Lorsque vous détruisez le code du travail, lorsque vous supprimez la prise en compte de la pénibilité, lorsque vous mettez l'hôpital sous pression, comme s'il pouvait en supporter davantage, vous créez la pauvreté que vous prétendez ensuite combattre. Arrêtez cette hypocrisie ! Cessez d'avancer ainsi masqués ! Le pays entier l'a compris : votre parti pris, c'est d'être le parti des riches.
Lorsque vous dites « solidarité », vous pensez « charité ». Vous êtes la bonne conscience de celles et ceux qui veulent ignorer à quel point la pauvreté gagne du terrain dans ce pays. La solidarité, madame la ministre, c'est le partage des richesses ; ce n'est pas la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune ni l'allégement de l'impôt sur le capital. Partout, les politiques brutales menées renvoient à la seule sphère privée les questions de solidarité concrète, d'éducation à la citoyenneté, à l'environnement, à l'égalité. En supprimant des milliers de contrats aidés, vous mettez en difficulté de nombreuses associations et vous liquidez les fédérations et équipements du monde de l'éducation populaire.
Quant à la grande cause nationale que vous avez déclarée à propos de l'égalité femmes-hommes, nous ne nous laissons pas abuser. Dans la dernière réduction budgétaire, en juillet, le secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes a perdu 30 % de son budget. Ce dernier augmente, en 2018, d'une somme dérisoire de 450 000 euros. À l'heure où la parole sur le harcèlement et les agressions sexuels se libère, la France engage donc moins de 30 millions d'euros pour promouvoir l'égalité – des cacahuètes au regard de l'enjeu alors que, rapporté au nombre d'habitants, l'Espagne dépense trois fois plus et le Canada quatorze fois plus. Et quelle surprise de voir que vous déshabillez Paul pour habiller Pierre, notamment en baissant le budget alloué à la lutte contre la traite des êtres humains !
Par ailleurs, au-delà du budget lui-même, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a pointé le recul que constituent, pour les droits des femmes, les ordonnances réformant le code du travail. Je pense notamment à la précarisation accrue des femmes, déjà surreprésentées dans les emplois à temps partiel et les CDD, ou encore au risque d'accroissement des violences sexistes et sexuelles dû à la disparition des CHSCT, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Les politiques que vous proposez dans ce budget vont à l'encontre de notre projet de société. Vous allez augmenter la pauvreté et les inégalités, continuer à précariser particulièrement les femmes et à ne pas combattre activement les violences sexistes. Nous ne vous laisserons pas, avec ces quelques mesures, arborer le sourire tranquille des puissants qui croient que leurs ruses ont abusé le peuple.