Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du jeudi 9 juillet 2020 à 9h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Article 18 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je développerai longuement ma première réponse, pour aller plus vite ensuite, afin d'expliquer ce qui motive très souvent un avis défavorable sur les amendements.

L'article 18 est probablement le coeur du texte. L'exonération de cotisations sociales pour certains secteurs d'activité qu'il prévoit est inédite et n'est pas dépourvue d'une certaine fragilité juridique. Nous devons, en effet, définir, en collaboration avec le pouvoir réglementaire, les secteurs susceptibles de bénéficier d'exonérations de charges. C'est à cet exercice d'équilibriste que nous essaierons de nous livrer ensemble dans les prochaines heures.

L'article 18 ne prévoit pas seulement des exonérations de charges. Celles-ci peuvent concerner, pour une période de quatre mois, les entreprises de moins de 250 salariés dont l'activité principale relève des secteurs du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l'événementiel ; pour une période de trois mois, les entreprises de moins de 10 salariés qui ont été fermées.

Les entreprises de moins de 50 salariés ne bénéficiant pas des exonérations précédemment mentionnées peuvent compter sur un autre filet de sécurité : la remise partielle de leurs dettes sociales, que la commission a étendue aux travailleurs indépendants et aux travailleurs non-salariés agricoles.

Enfin, toutes les entreprises, sans exception, qui le souhaitent peuvent solliciter un plan d'apurement leur permettant d'étaler le paiement de leurs dettes sociales jusqu'à trente-six mois.

L'article 18 est donc un véritable couteau suisse. L'accompagnement qu'il propose ne s'adresse pas uniquement aux entreprises relevant des seules listes S1 – secteurs prioritaires – et S1 bis – secteurs dépendant des précédents ayant subi une importante baisse de leur chiffre d'affaires. Sa portée est bien plus large ; il représente une aide de 4 milliards d'euros – et les pertes de recettes, monsieur Coquerel, sont bien compensées par des crédits budgétaires.

Qu'est-ce qui permet à ce dispositif de respecter l'égalité devant l'impôt et donc d'être conforme à la Constitution ? À cet égard, la limitation dans le temps est très importante. La période d'exonération doit correspondre à celle pendant laquelle l'activité des entreprises dans les secteurs prioritaires comme dans les secteurs dépendants a été empêchée : entre mars et juin ou entre mars et mai selon la taille des entreprises. Toute prolongation de cette période – de nombreux amendements ont été déposés dans ce but – risquerait de porter atteinte au principe d'égalité devant l'impôt.

De même, pourquoi certains secteurs sont-ils visés et pas d'autres ? Pourquoi l'agriculture ou le bâtiment ne figurent-ils pas parmi les secteurs prioritaires ? Parce qu'ils ne répondent pas au critère de l'empêchement d'activité. Cela ne signifie pas que ces secteurs ne connaissent pas de difficultés économiques, ni qu'ils ne doivent pas être aidés et accompagnés – de nombreuses mesures ont été prises en ce sens – , mais ils n'ont pas été empêchés sur le plan administratif. La nuance est primordiale pour garantir la validité juridique des exonérations de charges.

Toute proposition visant à appliquer le dispositif à d'autres secteurs sera laissée à l'appréciation du pouvoir réglementaire – je demanderai systématiquement le retrait des amendements et l'avis du ministre sur la possibilité d'étendre le champ d'application par décret. Mais j'appelle votre attention sur le respect des critères objectifs que sont l'empêchement et la dépendance à un secteur empêché pour une entreprise ayant subi une baisse de chiffre d'affaires de 80 %.

Ces considérations sont importantes car je ne voudrais pas que le texte adopté rende impossible l'exonération de charges sociales pour les secteurs prioritaires et dépendants. Il s'agit d'une belle mesure, franche, et d'intérêt général. Les secteurs qui ne sont pas concernés doivent être soutenus autrement.

Je vous propose en quelque sorte de conclure un contrat moral sur ce sujet. Si les aides en faveur des autres secteurs vous apparaissent insuffisantes, il faut travailler à de nouvelles mesures et je vous accompagnerai volontiers dans cette tâche, comme je l'ai fait depuis le début de la crise.

Je le reconnais, il est difficile de choisir des secteurs – le débat a eu lieu en commission, avec le président de la commission, notamment. Nous prenons un risque juridique mais la mesure est, selon moi, juste et équilibrée. Nous devons aller au bout de cette logique afin que la réponse à la crise soit la plus adaptée à la réalité, en particulier en tenant compte de l'empêchement d'activité qui a caractérisé la période de confinement que nous avons vécue.

Mon avis est donc défavorable.

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