Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la commission des affaires sociales, réunie la semaine dernière en commission élargie, a adopté les crédits de la mission « Santé ». À ce sujet, je souhaiterais revenir sur quelques points.
Bien que ces crédits augmentent de plus de 12 %, il convient de relativiser cette progression, car elle résulte principalement de deux facteurs : premièrement, la forte augmentation des frais de justice du programme 204, en prévision des dépenses liées au contentieux de la Dépakine, qui devraient s'élever cette année à près de 78 millions d'euros ; deuxièmement, la poursuite, au sein du programme 183, de l'évolution dynamique de la dotation à l'AME, qui augmente de 13 % et s'élèvera pour 2018 à 923,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
S'agissant de l'AME, je remarque toutefois que les crédits inscrits pour 2018 devraient être plus conformes aux dépenses tendancielles, au lieu d'être sous-budgétisés comme les années précédentes.
Je souhaite surtout insister sur la cohérence du périmètre de cette mission. En effet, d'année en année, le déséquilibre s'accroît entre les deux programmes, au détriment du programme 204, qui ne représente que 35 % des crédits de la mission. Je rappelle que ce programme concerne la prévention, la sécurité sanitaire et l'offre de soins. De plus, depuis 2015, nombre de crédits, dont ceux destinés à financer plusieurs agences sanitaires et les fonds d'intervention régionaux, ont été transférés à l'assurance maladie, et la tendance se poursuit en 2018.
Après ces quelques remarques relatives aux crédits budgétaires, je m'attarderai plus longuement sur l'ANSP, à laquelle j'ai choisi de consacrer la seconde partie de mon rapport.
Après plus d'une année d'existence, l'ANSP a mis en place ses instances de gouvernance et a conduit un premier programme de travail. Elle se révèle un acteur-clé de la prévention au moment où le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, souhaitent donner à celle-ci un nouvel élan, ce dont je me réjouis.
L'ambition de l'agence est de se positionner comme une instance d'expertise et d'ingénierie incontournable. Sa force est de regrouper au sein d'une même structure des experts de la veille épidémiologique, des experts en prévention et des experts de l'urgence sanitaire, tous issus de la fusion de plusieurs agences. Voilà pourquoi elle a choisi de renouveler son approche de la promotion de la santé en privilégiant le continuum entre épidémiologie et prévention.
Parallèlement, l'agence a souhaité repenser les moyens mis au service de la prévention, ce qui passe par trois démarches : d'abord, le développement d'une prévention fondée sur des données probantes ; ensuite, la mise en oeuvre d'une stratégie de marketing social utilisant de nouveaux outils comme les réseaux sociaux et les applications de téléphonie mobile ; enfin, la diffusion d'une nouvelle culture de l'évaluation.
L'illustration parfaite de cette prévention repensée est la campagne « Mois sans tabac », lancée par l'ANSP en 2016 et reconduite en 2017 après une évaluation de ses retombées positives.
Néanmoins, il reste à l'ANSP à trouver sa place au sein d'un paysage fragmenté où de multiples acteurs concourent à la prévention sans véritable coordination.
Le principal défi que l'agence doit relever réside dans l'articulation de ses missions de prévention avec celles des agences régionales de santé – les ARS. Ces dernières, chargées d'élaborer les projets régionaux de santé, sont soucieuses de préserver leurs prérogatives dans ce domaine. Les débats en commission élargie ont mis en évidence le fait que le Gouvernement vise lui aussi une meilleure collaboration entre l'ANSP et les ARS.
De même, l'ANSP devra se positionner vis-à-vis des autres agences sanitaires, notamment l'INCA dans la lutte contre le cancer, et surtout vis-à-vis de l'assurance maladie : la CNAMTS, par l'intermédiaire de son Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires, finance les actions de lutte contre le tabagisme de l'ANSP, ce qui rend la collaboration déséquilibrée.
Cette question du financement des actions de prévention de l'ANSP est cruciale, car de telles actions ne produisent d'effets qu'à long terme, ce qui les rend moins visibles. Voilà pourquoi je plaide pour leur financement pérenne.
Dans le cadre du PLFSS pour 2018, j'ai proposé la création d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM – dédié spécifiquement à la prévention, mais le Gouvernement a souligné la difficulté de mettre en oeuvre cette idée. Je prends cependant acte, madame la ministre, de votre volonté de mieux identifier l'ensemble des dépenses affectées aux enjeux de prévention et du rapport commandé en ce sens à la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – la DREES – et à la Commission des comptes de la santé.
S'agissant plus spécifiquement des ressources de l'ANSP, aucun crédit n'est sanctuarisé pour ses actions de prévention et de promotion de la santé, qui pâtissent dès lors de la priorité donnée à l'urgence. Ainsi, cette année, la gestion du cyclone Irma a entraîné des dépenses de 1,9 million d'euros en l'espace d'une quinzaine de jours.
De plus, ces ressources sont restreintes, car l'agence doit se plier à l'effort de rigueur budgétaire demandé aux opérateurs de l'État. Surtout, elles sont très peu diversifiées : 90 % des moyens dont l'agence bénéficie proviennent d'une subvention pour charges de service public, le reste étant principalement issu de deux taxes dont les recettes sont limitées. Je suis sensible aux arguments du Gouvernement et à son souci d'une gestion saine afin d'éviter la dispersion de l'affectation de recettes fiscales, mais la diversité des ressources de l'ANSP comme leur accroissement contribuent à l'efficacité de l'agence dans l'exercice de ses missions.