Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 22h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, nous regrettons qu'à l'heure où les inégalités d'accès aux soins vont croissant, la priorité pour le Gouvernement ne soit pas d'améliorer la santé des Français. Une fois de plus, ce sont les plus démunis qui trinqueront, au profit d'autres catégories qu'il est inutile de qualifier – nous connaissons votre politique.

La mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2018 se décline en deux programmes. Presque toutes les actions du programme 204 voient leurs crédits baisser : moins 900 000 euros pour la santé des populations. Alors que la France est caractérisée par des inégalités sociales en matière de santé parmi les plus marquées en Europe et que l'espérance de vie en bonne santé diminue depuis 2006, vous réduisez les budgets alloués aux populations en difficulté, aux mères et aux enfants ainsi qu'à la santé sexuelle. Ce sont des personnes malades et précaires, des femmes et leurs enfants, des adolescents, des familles qui sont touchés.

On note aussi une diminution de 4 millions d'euros des crédits consacrés à la prévention des maladies chroniques et à la qualité de vie des malades. Alors que nous devons faire face à l'augmentation des cas de diabète, de cancer, mais aussi à un accroissement des problèmes liés à la consommation de tabac et d'alcool, d'obésité et de malbouffe, vous ne trouvez qu'une chose à faire : diminuer les crédits destinés à y répondre. Cette baisse sera d'autant plus dommageable que les ordonnances de la loi travail portent gravement atteinte aux personnes soumises à une forte pénibilité au travail.

Le budget présente également une diminution de plus de 1 million d'euros pour la prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation, alors que l'on connaît les risques accrus en la matière : pollution des eaux, perturbateurs endocriniens, sans oublier l'amiante. Moins 9 millions d'euros pour la politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins. Les organismes de l'État chargés de veiller à une bonne qualité et à un prix raisonnable du médicament se trouveront encore plus affaiblis face aux industries pharmaceutiques.

Vous m'objecterez que le montant total des crédits de la mission « Santé » augmente pour 2018. Mais regardons dans les détails : en dehors de l'augmentation de l'aide médicale de l'État – j'y reviendrai – , les seules dotations qui augmentent réellement sont celles qui visent à regrouper les agences et celles qui sont destinées à moderniser l'offre de soins.

En effet, l'an dernier, le Gouvernement a procédé au regroupement de différentes instances au sein de l'Agence nationale de santé publique. Cette année, les mesures phares du Gouvernement s'inscrivent dans la même logique – ce n'est pas très imaginatif. Comme d'habitude, pour faire des économies, on fusionne, on mutualise, on regroupe, tout en se réjouissant des prétendus gains de performance que cela entraînera.

Jamais on ne s'inquiète des difficultés croissantes que rencontrent ces agences pour répondre aux enjeux de santé publique. Tandis que de nouveaux crédits sont alloués à des regroupements, on demande aux agences de se serrer la ceinture tout en exigeant d'elles d'assurer des missions toujours plus étendues.

Cette année, on annonce une baisse de vingt équivalents temps plein pour l'Agence nationale de sécurité du médicament tout en lui imposant des délais de traitement plus courts pour les autorisations de mise sur le marché. Le Gouvernement essaie de nous rassurer en affirmant que cette baisse d'effectifs tient compte du transfert de l'Agence européenne des médicaments à Lille, avant même que ce transfert soit entériné par l'Union européenne.

Avec une telle saignée, un tel affaiblissement des agences de santé, comment peut-on espérer qu'elles fassent le poids face à de grands groupes pharmaceutiques lorsque ceux-ci refusent de prendre en charge les dommages subis par les patients ?

S'agissant de la Dépakine, nous soutenons votre décision d'allouer 78 millions d'euros par an à l'indemnisation des victimes, afin de dédommager les familles dans les plus brefs délais. Cela dit, notre groupe surveillera de très près les avancées des négociations pour que Sanofi rembourse rapidement l'État de cette avance.

Vous nous annoncez une baisse de quatre ETP pour l'Institut national du cancer, alors que les cancers environnementaux se multiplient. Nous apprenons aussi la diminution de 38 % des crédits alloués au Haut conseil de la santé publique et enfin une baisse de quinze ETP pour l'Agence nationale de santé publique. Rien n'est fait pour contrer ces coupes continuelles depuis plusieurs années. À ces diminutions de postes, vous opposez les miracles du numérique. Les personnes en souffrance se retrouveront de plus en plus face à des plateformes internet. Vous faites une dépression ? Pas d'inquiétude, l'application « Stop blues » est là pour vous prendre en charge… Arrêtons les stupidités ! Le numérique peut apporter des solutions, mais non répondre à lui seul aux enjeux de santé publique.

Venons-en au second volet de la mission « Santé », dédié à 99 % à l'aide médicale de l'État. Depuis plusieurs années, les flux migratoires en provenance de pays où la France est impliquée sont en hausse. Il est donc normal, par solidarité, d'apporter un minimum d'aide en matière de santé aux individus et aux familles en détresse. La hausse des crédits de l'AME accompagne cette augmentation tendancielle du nombre de nouveaux arrivants.

Cela dit, comme vous le savez, l'AME de droit commun n'est offerte qu'à des personnes résidant depuis au moins trois mois en France. Or vous souhaitez renforcer la traque de ceux qui tentent de bénéficier illégalement de l'AME, notamment aux migrants tout juste arrivés sur le territoire. Quand il s'agit de traquer les plus démunis, vous vous montrez une fois de plus particulièrement vigilants. Pouvez-vous me rappeler la perte nette de l'État liée à la réforme de l'ISF et à celle de la fiscalité sur le capital ? Je vais vous le dire : 5 milliards d'euros. L'AME ne représente même pas un cinquième de cette somme.

À la France insoumise, nous ne souhaitons pas dépenser plus de crédits pour la traque des plus démunis. Nous sommes surtout particulièrement inquiets de constater que le taux de renoncement aux soins pour raisons financières mais également par manque d'information et d'accompagnement est en augmentation constante. Ce budget est un coup de plus porté à la politique de santé ; c'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

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