Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 22h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

Vous avez tenu des propos approximatifs, préférant dépeindre les bénéficiaires de l'AME comme des ultra-pauvres contagieux. Comme votre prédécesseur Marisol Touraine, avec les mêmes arguments, vous avez fermé sèchement la porte à tout débat. Rouvrons donc le débat, en évitant Germinal.

Premièrement, pour fermer la porte à un « droit de timbre », vous invoquez um rapport de l'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – et de l'Inspection générale des finances – IGF – de 2007, c'est-à-dire vieux de dix ans, époque où la dépense se situait à la moitié de la jauge actuelle. Surtout, vous m'avez affirmé qu'il était prouvé que la mise en place d'un droit de timbre ferait exploser les dépenses liées au retard de la prise en charge de maladies contagieuses. Visiblement, vous n'avez jamais lu le rapport de 2007 ni sa mise à jour de 2010.

Le rapport de 2007 consacre à peine une dizaine de lignes, peu étayées, à cette proposition, pour la balayer d'une manière très lapidaire en s'appuyant sur une ligne d'un rapport de Médecins du monde relatif à la couverture vaccinale des patients étrangers. Les rédacteurs de 2010 sont beaucoup plus prudents que vous, écrivant que « toute méconnaissance du statut sérologique par la personne ou tout retard au diagnostic peut » – j'insiste sur ce dernier mot – « avoir des conséquences importantes sur la dissémination de la maladie. [… ] En éloignant les publics concernés du système de soins, le risque est grand de faciliter la propagation de ce type de pathologies. » Ce constat repose non pas sur une étude, mais sur un raisonnement théorique, c'est-à-dire sur une possibilité, assez peu solide pour balayer d'un trait de plume une économie potentielle.

Deuxième confusion : vous semblez suggérer que les dépenses consacrées aux pathologies lourdes concernent la majeure partie des personnes éligibles à l'AME. Je vous rappelle toutefois qu'en 2008, on comptait 5 700 cas de tuberculose en France, que les neuf premiers déciles des bénéficiaires de l'AME ont un profil semblable à celui du régime général et que 10 % des bénéficiaires comptent pour 73 % des dépenses. Résumer la question de l'AME à la tuberculose ou au VIH est donc très réducteur – ou alors, faites dès maintenant sortir du panier de soins le remboursement intégral des frais d'optique, les prothèses ou les soins dentaires. Vous semblez confondre allègrement les dépenses de droit commun et les dépenses d'urgence ou humanitaires.

Sur les pathologies lourdes, des cas de fraude ont été dénoncés avec une filière de Géorgiens tuberculeux : en 2014, 57 cas ont coûté 13,6 millions d'euros. Le professeur François Bricaire déclarait dans Le Point que « les patients se donnent le mot. Dans leur pays d'origine, on leur dit que la France est le seul pays où ils pourront être traités. »

Troisième approximation : vous semblez affirmer qu'en prônant te droit de timbre, nous serions des barbares, prêts à livrer le pays à la diffusion des pathologies. Nous ne céderons pas aux marchands de peur : ouvrez les yeux, vous êtes la seule en Europe à penser ainsi !

Un bénéficiaire français revient à 2 350 euros, contre 1 564 euros en Suède, 1 250 en Espagne et 569 au Royaume-Uni.

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