Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Nous venons de traverser une crise sanitaire et sociale sans précédent qui a montré à quel point celles et ceux que le Gouvernement a tant méprisés sont aussi celles et ceux qui tiennent le pays à bout de bras lorsque cela est nécessaire. Infirmières, caissières, ou encore éboueurs : ils sont souvent les plus précarisés par vos politiques, mais ce sont eux qui nous ont permis de tenir durant cette période. Si nous sommes biologiquement égaux face au virus, nous ne le sommes pas socialement. Et ces mêmes personnes, qui devaient sortir tous les jours, ont été celles qui ont été les plus contaminées et les plus mises en danger. Je ne redirai pas aujourd'hui que nombre d'entre elles auraient dû rester chez elles, à l'abri, plutôt que de se retrouver agglutinées dans les entrepôts d'Amazon, ou de s'exposer au virus pour livrer des sushis.

La suite historique aurait dû être de rectifier le tir et de changer de cap. La suite historique – ou plutôt la suite logique – devrait être de faire payer celles et ceux qui le peuvent, au bénéfice de celles et ceux qui ne le peuvent pas et qui, bien souvent, n'en peuvent plus. Il aurait ainsi fallu, par exemple, augmenter les impôts progressifs, de sorte que les plus fortunés contribuent davantage – ce qui aurait constitué un juste niveau de participation – pour combler la dette sociale. Il est également impératif de rétablir un impôt sur la fortune, tant réclamé par la population française et, depuis ce matin, par quatre-vingt-trois millionnaires.

Au lieu de faire cela, vous vous entêtez et vous endettez encore davantage la sécurité sociale, au travers de la CADES, en lui faisant supporter 136 milliards d'euros supplémentaires de dette. Cette somme correspond à de nombreuses décennies de cotisations sociales perçues sur le dos de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs.

Mais personne n'est dupe ! Vous pratiquez la stratégie bien connue des libéraux les plus conservateurs : affamer la bête pour mieux la sacrifier ensuite. Vous creusez la dette, avant de revenir ici nous dire qu'elle est trop importante, qu'il faut faire des sacrifices, que les choses étaient imprévisibles, que tout le monde doit participer, se serrer la ceinture et travailler davantage pour percevoir moins. Vous préparez le terrain pour tailler largement dans notre système de protection sociale. Cette crise ne vous a donc rien appris. N'avez-vous donc pas vu à quel point notre système social, s'agissant notamment de notre assurance chômage et de notre assurance maladie, a été précieux ?

Les impôts les moins progressifs, comme la CSG et la CRDS, vont financer cette dette. Il n'y a pas de redistribution des richesses ; tout le monde paye, quels que soient ses moyens. Certains pourront supporter cette charge, mais d'autres, les plus précaires, ne le pourront pas, même s'ils devront néanmoins le faire. L'appauvrissement des pauvres, venant de vous, ce n'est pas surprenant. De manière encore moins surprenante, les spéculateurs profiteront de cette dette accumulée, puisque vous la financez sur les marchés financiers.

Dans un rapport d'Attac de septembre 2017, que j'avais déjà mentionné, nous avons appris que la CADES « émet des papiers commerciaux sans aucun contrôle, notamment à la City de Londres et au Luxembourg ». À la date du 16 septembre 2017, la CADES avait remboursé, depuis sa création, 140 milliards d'euros de dette sociale, en grande partie grâce aux impôts, et, dans le même temps, elle avait versé 52 milliards d'euros d'intérêts aux créanciers. Les recettes fiscales servent donc à rembourser des intérêts et des commissions aux banques privées qui spéculent dessus. C'est pourquoi il apparaît nécessaire de lancer un véritable audit citoyen afin de mettre en lumière cette partie illégitime de la dette.

Enfin, vous vous prévalez de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale. Il s'agit manifestement d'un contre-feu, c'est-à-dire d'une diversion pour masquer le reste des dispositions prévues par ces textes. Si nous estimons qu'il est urgent de financer un service public de la perte d'autonomie, celui-ci devrait l'être par les cotisations sociales et non par la CSG. Nous pensons que l'État doit investir considérablement dans les politiques du grand âge. Pour vous donner une idée de budget, nous évaluions, Monique Iborra et moi-même, dans notre rapport sur les EHPAD, le financement d'une cinquième branche à au moins 20 milliards d'euros, ce qui équivaut à un point de PIB. Or sur ce point également, il n'y a que des effets d'annonce, mais pas d'actes.

Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise votera contre ces projets de loi. Alors que nous avons traversé une crise sans précédent, et alors que le pays a tenu grâce à ses services publics, vous préparez leur destruction. Allez-vous, un jour, retenir les leçons du passé ? Allez-vous, un jour, faire payer ceux qui en ont les moyens ?

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