La crise sanitaire liée au covid-19 sera suivie, nous le savons tous, d'une crise économique et, plus largement, d'une crise multifactorielle qui affectera durablement le monde. La crise sera globale et nous obligera tous à des adaptations qui, pour certaines, transformeront nos modes de vie. Il nous faudra mener des réflexions sur les méthodes de travail, les modes de déplacements, ou encore nos façons de consommer. Nous devons faire confiance à l'humain et à ses capacités d'adaptation pour que cet « après », que nous sommes en train de construire, soit porteur d'espoir et d'améliorations.
Mais cela ne pourra se réaliser si les contraintes financières sont trop intenses : le Gouvernement, en aidant massivement, en indemnisant, en payant, en finançant, a, de fait, alourdi la dette. Or les dettes ne peuvent être envisagées que si on les maîtrise et que l'on dispose de perspectives raisonnables de remboursement. Les équilibres financiers seront bousculés et celui de la sécurité sociale sera affecté tant en recettes qu'en dépenses.
Comme l'a indiqué le Gouvernement, le déficit prévisionnel de la sécurité sociale, pour la seule année 2020, approchera les 52 milliards d'euros, un montant qui n'a jamais été atteint, même au plus fort de la crise financière de 2008. Si rien n'est fait, l'ACOSS pourrait prochainement se trouver en situation de détenir près de 95 milliards d'euros de dette de courte échéance auprès des marchés financiers, des banques et de la Caisse des dépôts et consignations.
Cette situation ne pourra perdurer, au risque de faire courir un certain nombre de risques, en cas de forte détérioration de la conjoncture, s'agissant aussi bien des taux que des liquidités disponibles. Un nouveau transfert à la CADES est donc apparu comme la solution la plus évidente afin de reprendre et d'amortir la dette de la sécurité sociale. Les textes que nous examinons aujourd'hui visent à permettre la couverture par la CADES des déficits accumulés par les régimes de base de la sécurité sociale à hauteur de 136 milliards d'euros, ce qui allonge sa durée de vie de 2024 à 2033. Ce transfert soulagera la trésorerie de l'ACOSS, mais permettra surtout à notre pays de continuer à suivre la doctrine selon laquelle la dette sociale doit être amortie pour ne pas faire peser le poids des prestations d'aujourd'hui sur nos enfants. Il convient de faire disparaître la dette en l'amortissant progressivement ; c'est un préalable, quitte à en repousser l'échéance compte tenu des circonstances.
Il est en effet logique que les contributions versées auprès de la sécurité sociale financent les prestations sans en reporter le poids sur le futur. C'est logique, mais néanmoins difficile à respecter en raison de cette crise multifactorielle. Oui, la date de l'amortissement de la dette est repoussée, mais le cap est maintenu, la volonté est ferme, et les actions menées pour y aboutir sont fortes.
Certains de mes collègues parlementaires ont exprimé le souhait de voir établie dans ce texte une règle d'or pour contraindre un peu plus la gestion de cette dette. Si les députés du groupe Agir ensemble sont favorables à l'idée de tendre vers une règle d'or, nous estimons cependant que cette initiative est à la fois prématurée au regard de l'urgence de l'examen de ce texte et trop isolée en l'absence d'une réforme globale du cadre d'examen de la loi de financement de la sécurité sociale.
Il nous semble préférable d'engager une réflexion plus approfondie, qui prenne en considération notamment les évolutions à venir dans les prochaines lois de financement de la sécurité sociale – LFSS – , qui intégreront ce cinquième risque. En effet, une gestion rigoureuse de la dette sociale est d'autant plus nécessaire que paraît le défi du grand âge et de l'autonomie. Notre pays sera confronté dans les années à venir à une évolution sans précédent, tant du point de vue du nombre croissant d'assurés à protéger que de celui des solutions transversales à imaginer.
L'affectation de certaines recettes à la CADES était envisagée comme une piste de financement pour relever le défi du vieillissement de la population. Pour y parvenir, les deux projets de loi sanctuarisent une part des recettes de la CADES, pour la flécher à partir de 2024 vers les dépenses relatives au grand âge. Ils ouvrent aussi la réflexion sur la création d'un risque spécifique de protection sociale et d'une nouvelle branche, relatifs à l'aide à l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, en proposant la remise d'un rapport sur les modalités de leur entrée en vigueur.
Les projets de loi poursuivent également la réflexion sur l'organisation actuelle du budget relatif à cette politique, à laquelle plusieurs acteurs majeurs travaillent déjà de concert : l'assurance maladie, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – et les conseils départementaux. Actuellement, les budgets alloués à l'autonomie ne sont pas agrégés ; or cela permettrait de mieux dessiner les contours de cette politique, de l'évaluer et de la faire évoluer le cas échéant. La création de ce risque identifié constitue à mon sens une avancée importante : tous les partenaires discerneront désormais plus facilement les atouts et contraintes de cette politique, qui sera ainsi mieux pilotée.
Le travail parlementaire est à l'origine de cet aboutissement de la réflexion sur le cinquième risque. À l'initiative du rapporteur, la commission spéciale a décidé d'assumer pleinement ses responsabilités en prenant fermement position en faveur de la création d'une branche « autonomie ». Certes, ce risque était déjà assumé par la solidarité nationale à travers l'allocation personnalisée d'autonomie – APA – et la prestation de compensation du handicap – PCH – , mais le cinquième risque, ainsi défini, permet de bien distinguer la cinquième branche du régime général, complétant ainsi les branches historiques.
La commission a ainsi entendu donner une direction précise aux travaux qui aboutiront dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Il s'agira alors d'être vigilants quant aux recettes affectées à cette branche, afin d'octroyer les moyens nécessaires à la poursuite de cette ambition. Il conviendra également d'être attentifs à la gouvernance de cette branche, en maintenant un équilibre entre CNSA et départements, qui travaillent déjà bien ensemble.
Vous l'aurez compris, le groupe Agir ensemble votera les deux projets de loi.