Permettez-moi tout d'abord, madame Bourguignon, de vous féliciter de vive voix pour votre nomination.
Les deux projets de loi que nous examinons en nouvelle lecture répondent avant tout à une urgence : soulager la trésorerie de l'ACOSS, qui finance les différentes branches du système de sécurité sociale français. Ils prévoient d'assurer la viabilité de la sécurité sociale et de la protéger.
« Sécurité sociale » : ces mots ne sont pas vains. Ils désignent l'effort réalisé par la nation pour protéger nos concitoyens des aléas de la vie. L'ensemble des institutions de la République, l'État, les collectivités locales et tout notre système de santé ont dû faire face au covid-19. La crise sanitaire est loin d'être derrière nous, et il est à craindre qu'elle s'accompagne d'une crise économique et sociale d'ampleur inédite.
Soyons lucides sur la situation actuelle : refuser de s'endetter aujourd'hui reviendrait à faire porter le poids de la crise sur les forces vives de notre pays, à brider nos efforts de relance, à affaiblir notre outil productif, alors qu'il est vital de replacer notre pays sur un chemin de croissance dynamique. Le report à 2033 de l'amortissement de la dette ainsi que la reprise de 136 milliards d'euros de dette par la CADES pour couvrir les déficits passés et ceux résultant de la crise sanitaire nous paraissent justifiés.
Toutefois, des questions subsistent. Alors que le Gouvernement s'était engagé à reprendre 13 milliards d'euros de dette des hôpitaux en novembre 2019, pourquoi souhaite-t-il les faire passer sur le budget de la sécurité sociale ? Pourquoi alourdir encore ce budget déficitaire au sortir de la crise du covid-19 en ajoutant de la dette à la dette ? Des efforts importants d'économies ont pourtant été consentis année après année. Ils sont d'ailleurs pour partie, avec l'instauration de la T2A – tarification à l'activité – , responsables de la dette hospitalière.
Qu'en est-il du secteur privé, dont nous avons compris qu'il serait concerné à la marge par la reprise de la dette ? Il a, comme le secteur public, été durement touché par la crise.
Nous nous étonnons par ailleurs de l'opposition du groupe majoritaire, La République en marche, en commission mixte paritaire, à la proposition de nos collègues sénateurs d'inscrire une règle d'or dans le projet de loi organique. Il s'agissait d'un gage de sérieux budgétaire, d'un signal envoyé aux générations futures. C'était une question de principe, de bonne gestion.
Ces projets de loi organique et ordinaire posent le principe de la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale. Le groupe UDI et indépendants y est bien sûr très favorable : elle permettrait enfin de financer de manière pérenne la dépendance et le grand âge. Pourtant, la méthode choisie, consistant à passer par un projet de loi d'urgence visant à sécuriser l'ACOSS, ne peut que nous conduire à nous interroger. Par ailleurs, la date retenue pour la prise en charge de ce nouveau risque, en 2024, est bien trop éloignée : c'est dès 2021 qu'il faut changer la donne et amorcer la trajectoire.
Les montants fléchés, à hauteur de 2,3 milliards d'euros, paraissent bien insuffisants au regard des besoins réels, estimés à 6 milliards en 2024 et 10 milliards à l'horizon 2030. Il est impératif d'imaginer d'autres financements pour répondre aux besoins urgents liés à la dépendance, que la crise du covid-19 a encore exacerbés. On nous annonce que 1 milliard d'euros supplémentaires seront ouverts dans le PLFSS pour 2021. En s'appuyant sur quels leviers ? S'agira-t-il de prélèvements supplémentaires ? Comptez-vous recourir à l'endettement ? Nous ne connaissons pas non plus précisément le cadre d'intervention de cette cinquième branche.
La dépendance constitue un sujet de souffrances et d'inquiétudes pour beaucoup de nos compatriotes. Je pense notamment aux aidants, qui suppléent aux carences de l'État alors que nous n'avons guère progressé sur ce sujet depuis dix ans.
La majorité des membres de notre groupe s'abstiendra donc sur ces deux textes. La reprise de la dette de l'ACOSS constitue un enjeu de bonne gestion des comptes sociaux – nous le comprenons parfaitement – , mais il aurait été préférable d'aborder la question du grand âge et de l'autonomie, sujets de société majeurs, dans un texte spécifique.