Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 9h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2019 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Jeudi 9 juillet, députés et sénateurs se sont rencontrés en commission mixte paritaire – CMP – , pour débattre du projet de loi de règlement 2019. La veille, le projet de loi avait été rejeté en bloc au Sénat, par 226 voix contre. Nous avons entendu respectueusement ce vote, même si le rejet ne nous a pas paru fondé précisément sur le texte, qui doit tendre à démontrer la bonne exécution des crédits pour 2019. Or, les résultats sont même meilleurs que ceux prévus dans la loi de finances initiale.

Il est toutefois légitime de porter un regard politique sur un exercice budgétaire, lequel ne concerne pas seulement une bonne exécution, estimée chiffre par chiffre. Le redressement des comptes publics a-t-il été suffisant pour aborder efficacement la crise ? Poser la bonne question revient en effet à se demander si l'action menée les années précédentes, notamment en 2019, nous a donné les moyens d'affronter dans de bonnes conditions la situation d'une gravité exceptionnelle que nous connaissons aujourd'hui. Aurait-il été possible de disposer de davantage de marges de manoeuvre budgétaires ? La réponse aux conflits antérieurs, en particulier à la crise des gilets jaunes, a-t-elle été budgétairement efficiente ? Telles sont les questions qui doivent animer le débat, qui a déjà eu lieu au Sénat.

Selon moi, comme je l'ai déjà souligné en première lecture, l'année 2019 fut exceptionnelle à plusieurs égards. Par la tenue des comptes publics, d'abord : le déficit public s'établit à 2,1 % du PIB, si on isole le fameux « one off », à savoir le cumul exceptionnel du coût du crédit d'impôt compétitivité emploi – CICE – et des allègements de charges. Le déficit public fut donc en 2019 au plus bas niveau depuis 2001. Ensuite, nous avons connu un excédent conjoncturel : les effets de la crise de 2008 ont cessé de se faire sentir et un début d'excédent s'est annoncé – jusqu'au surgissement de la crise actuelle. La confiance des acteurs économiques, dont nous reparlerons longuement au cours des prochains mois, s'est traduite par une amélioration franche du climat des affaires, après une chute liée notamment à la crise des gilets jaunes, fin 2018.

Premier effet direct de ce bon climat économique : le dynamisme des recettes fiscales a été bien meilleur que prévu. Par rapport à la loi de finances initiale, près de 8 milliards d'euros supplémentaires ont été recouvrés. Autre effet de ce climat de confiance : les obligations souveraines françaises se sont négociées à un taux d'intérêt particulièrement bas, parfois négatif. À ce propos, je vous annonce que le rapport de la mission flash sur la dette publique devrait être publié sur le site internet cet après-midi – je vous invite à en lire au moins la synthèse.

La charge de la dette a été significativement réduite en 2019 ; or, comme je le répète à chaque occasion, bien gérer sa dette souveraine revient à créer chaque année des marges de manoeuvre budgétaires, à dégager des milliards d'euros pour financer des politiques publiques – et non à assouvir un plaisir de technocrate des bords de Seine du 12e arrondissement. En 2019, après de très nombreuses années de hausse, le ratio de la dette s'est stabilisé à 98,1 % du PIB. Certes, nous débattons désormais pour savoir si elle s'établira à 120 ou 125 % du PIB à l'issue de l'année 2020. Néanmoins, importe de savoir que par beau temps, nous avons su stabiliser la dette rapportée au PIB, conformément au bon cycle des comptes publics : stabiliser la dette et la réduire, pour réemprunter au coeur de la tempête.

S'agissant des dépenses, l'exercice 2019 reflète les priorités fixées par le Gouvernement et le législateur dans un contexte de modération, elle aussi pourvoyeuse de marges pour aujourd'hui. Les dépenses de l'État ont en effet augmenté de 6 milliards d'euros, dont 4 milliards consacrés à l'augmentation du coût de la prime d'activité, selon les mesures d'urgence économiques et sociales que nous avons votées en décembre 2018, en réponse à la crise des gilets jaunes. Cette revalorisation était attendue, elle est financée : la hausse des dépenses publiques témoigne du financement des politiques publiques prioritaires.

L'analyse de la gestion confirme une programmation et une exécution budgétaires assainies, renforçant ainsi la portée de l'autorisation parlementaire de dépenser, à savoir la crédibilité de notre travail. D'abord, les normes de dépenses fixées en loi de finances initiale pour 2019 ont été respectées. Ensuite, le taux de mise en réserve des crédits autres que les crédits de dépenses de personnel a été maintenu au niveau historiquement faible de 3 %. Enfin, pour la deuxième année consécutive, aucun décret d'avance n'a été publié, ce qui n'était pas arrivé depuis 1985.

La sincérité des comptes publics – des budgets que nous votons – est plus importante qu'on ne voudrait le croire. On dit souvent que la forme est dessinée par le fond qui remonte à la surface. J'ai foi en cette maxime : sans cette exigence de sincérité, nous ne disposons pas d'autant de crédit pour octroyer au Gouvernement l'autorisation de dépenser.

À travers le Printemps de l'évaluation et l'exercice de la mission de contrôle que nous octroie la Constitution, nous devons constamment être la vigie de la sincérité budgétaire. La crise économique et sociale exceptionnelle à laquelle nous sommes confrontés ne doit pas nous exonérer de la vigilance sur la sincérité des comptes publics. En tant que rapporteur général, j'y veillerai tout particulièrement dans les prochains budgets.

Les sénateurs auraient préféré une situation budgétaire encore meilleure en 2019 – c'est le jeu politique. C'est la raison pour laquelle la CMP a échoué. Pour ma part, pour toutes les raisons que j'ai exposées précédemment, j'appelle à renouveler aujourd'hui le vote favorable émis par l'Assemblée nationale en première lecture.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.