Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 9h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Le projet de loi de règlement nous rappelle l'état de la France d'avant la crise – avant la loi de finances pour 2020 et avant surtout les trois collectifs budgétaires débattus depuis mars – il y a six mois, il y a si longtemps. Avant le choc, la majorité se félicitait d'indicateurs économiques significatifs : croissance économique solide, quoique modeste, à 1,5 % ; déficit de moins de 3 % ; ratio dette sur PIB stabilisé à un peu plus de 98 % du PIB. Le tableau était-il idyllique ? La réalité semble plus contrastée. Nous pensons au contraire que notre pays n'a pas abordé le tsunami du covid dans les meilleures dispositions budgétaires.

Néanmoins, je veux mettre une réussite à votre crédit. L'objet de la loi de règlement est de vérifier le respect de l'exécution des choix budgétaires effectués en loi de finances initiale. Soulignons donc que le processus de sincérisation budgétaire s'est poursuivi en 2019. En effet, pour la deuxième fois depuis trente ans, il n'y a pas eu de décret d'avance. Le sérieux de l'exécution budgétaire ne relève pas de l'anecdote : c'est un prérequis indispensable pour les prochaines échéances budgétaires qui seront autrement difficiles.

Au regard de 2020, la situation de 2019 peut paraître réjouissante ; elle est pourtant préoccupante. En effet, nous devons inscrire l'examen de ce projet de loi de règlement, dans le cadre de la programmation des finances publiques 2018-2022. On sait que la trajectoire prévoyait un retour à l'équilibre des comptes publics à la fin du quinquennat. Fin 2019, nous en étions déjà loin, alors même que la conjoncture était, en son temps, relativement favorable : croissance ferme, dynamisme anormalement élevé des prélèvements obligatoires et taux d'intérêt très bas.

Malgré ces conditions, le déficit public a été de 3 %, contre 2,3 % en 2018. Il est donc difficile d'y voir une amélioration, même en intégrant le CICE et la baisse de charges. Surtout, sans un contexte macroéconomique favorable, le déficit aurait été nettement plus élevé. Quant aux dépenses, elles ont continué de progresser, à un rythme plus soutenu que l'année précédente, puisqu'elles ont augmenté de 1,8 % soit trois fois plus que l'objectif de 0,6 %. Ainsi, en 2019, les efforts de rétablissement des finances publiques ont été insuffisants. L'effort structurel de réduction du déficit n'a pas été mené et les déficits structurels restent notablement supérieurs aux prévisions. Le constater ne nous empêche pas de mesurer la difficulté de la tâche.

Il y a trois ans, le Gouvernement a promis de ramener le poids de la dépense publique dans la moyenne de la zone euro. En 2019, cet écart était de 8,2 points et, dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques note que l'amélioration du solde structurel est imputable à des facteurs qui ne résultent pas de l'action des pouvoirs publics, comme la diminution de la charge des intérêts de la dette.

Autre point : l'analyse des comptes de l'ensemble des dépenses des administrations publiques montre que leurs dépenses passent de 1 314 milliards d'euros en 2018 à 1 348,5 milliards en 2019, soit une augmentation de 34,5 milliards d'euros. En 2019, l'essentiel du déficit provient des administrations publiques centrales, les APUC. Leur part dans le déficit a augmenté de 17 milliards d'euros entre 2018 et 2019, alors que les collectivités territoriales ont consenti des efforts – ce qui confirme, s'il le fallait, que les élus locaux en sont capables quand on leur demande.

Tous ces chiffres et résultats doivent être mis en perspective avec la crise économique et sociale que nous traversons aujourd'hui. Ils nous montrent que la situation budgétaire de la France était déjà fragile avant l'arrivée de l'épidémie : la phase haute du cycle économique n'a pas été mise à profit – ou pas suffisamment pour assainir nos finances publiques. En d'autres termes, notre pays n'était pas assez solide économiquement ni assez bien préparé pour affronter une crise de cette ampleur.

Dans leurs analyses, les économistes divergent sur sa durée ou sur la forme que prendra la reprise : en V, en W, en L – voire en aile d'oiseau comme le prophétise le gouverneur de la Banque de France. Mais force est de constater que l'état de nos finances publiques en 2019 nous prive aujourd'hui de marges de manoeuvre nécessaires. Le monde d'avant ne nous donne pas les moyens d'affronter vraiment les défis du monde d'après. Pour ces raisons rapidement exposées, les députés du groupe Libertés et Territoires se partageront, comme en première lecture entre une majorité d'abstention et des votes contre le projet de loi.

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