Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 9h00
Don de congés payés sous forme de chèques-vacances aux membres du secteur médico-social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Mais ce texte est également hypocrite, car il dissimule mal ses intentions réelles.

Depuis trois ans, vous méprisez le personnel soignant. Ainsi, 12 milliards d'euros ont été amputés au budget de la santé depuis le début du quinquennat, et vous essayez de nous faire croire que le sort des soignants vous préoccupe !

Notons tout de même que malgré la revalorisation du salaire des soignants – enfin et un peu – dans le cadre du Ségur de la santé, la France reste l'un des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – les moins généreux en matière de rémunération des soignants. Mais je vais m'arrêter là, nous ne sommes pas ici pour parler du Ségur.

En plus d'être hypocrite, cette proposition de loi est injuste, parce qu'elle exclut de nombreuses catégories de personnel du bénéfice des chèques-vacances. Quid des éboueurs, des fonctionnaires territoriaux, des caissières, des facteurs, des boulangers, des employés de magasins en libre-service et de tant d'autres, qui, eux aussi, étaient là pour nous servir lors du confinement ? Pourquoi ne pourraient-ils pas bénéficier de ces chèques-vacances ? Pire, on va leur demander de donner eux aussi un jour de congé pour les autres !

Votre proposition de loi est également injuste parce qu'elle repose sur un principe de charité au lieu de mettre en place un véritable dispositif de solidarité. Prendre les Français par les sentiments, les faire culpabiliser, leur demander de renoncer à des jours de congé, jouer sur le bon vouloir des uns des autres pour mettre en place un dispositif de dons incertain aux contours flous, c'est peut-être votre philosophie, mais ce n'est pas la nôtre.

La France insoumise croit en une solidarité juste et équitable, qui s'organise pour garantir une véritable redistribution. Faire des cadeaux aux soignants avec l'argent des autres, sans que l'État ne verse un sou, là encore, c'est peut-être votre philosophie, mais ce n'est pas la nôtre.

Je vous rappelle qu'il existe un dispositif formidable qui s'appelle la sécurité sociale. L'ordonnance de 1945 prévoit l'aménagement d'une vaste organisation nationale d'entraide. C'est ce que vous voulez faire, n'est-ce pas ? Alors qu'attendez-vous pour remettre sur pied la sécurité sociale, au lieu de la détruire depuis le début de votre mandat par des exonérations de cotisations toujours plus importantes ?

Permettez-moi également de vous citer de nouveau des commentaires d'internautes concernant votre proposition de loi. Pour Alain, « offrir ses jours de congé au personnel soignant, ce n'est pas de la solidarité, c'est de la charité et l'hôpital se fout de la charité » ; pour Anne-Charlotte, c'est « hors de question, ces gens méritent mieux que l'aumône » ; pour Pascal, les élus de la majorité « ont le don de toujours reporter l'effort sur les autres ». Entendez ces gens !

Pour reprendre le mot d'une députée de vos rangs : « Quand on s'achète de la générosité à bon prix sur le dos des entreprises, c'est quand même un peu facile. » Là, ce n'est pas sur le dos des entreprises, mais sur celui des salariés – mais vous n'êtes pas à une contradiction près.

Plus que jamais, le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune – impôt raisonnable, qui pourrait être fléché vers la santé – constitue une urgence. Je vous invite à lire la tribune de quatre-vingt-trois millionnaires qui demandent à payer un impôt : ce serait dommage de s'en passer !

Votre proposition de loi est inefficace, parce que les soignants ont avant tout besoin de collègues supplémentaires, pas de chèques-vacances, a fortiori si une seconde vague devait arriver.

Inefficace, elle l'est aussi parce que vous misez sur l'hypothèse peu réaliste que 20 % des salariés renonceront à des jours de congé pour les soignants. Les salariés de notre pays sont fatigués, ils ont eux aussi besoin de se reposer. Avez-vous observé que depuis le début du déconfinement, les applaudissements destinés aux soignants ont cessé ? Ce n'est pas parce que les gens n'éprouvent plus aucune reconnaissance envers eux et leur engagement, mais parce que chacun, avec le déconfinement, est retourné à son travail. Cet objectif très ambitieux de 20 % risque fort, malheureusement, de faire de nombreux déçus au sein du personnel soignant s'il n'y a pas assez de chèques-vacances pour tout le monde.

Nous voterons donc contre cette proposition de loi hypocrite, injuste et inefficace.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.