Intervention de Alain David

Séance en hémicycle du jeudi 16 juillet 2020 à 9h00
Don de congés payés sous forme de chèques-vacances aux membres du secteur médico-social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain David :

À l'examen de cette proposition de loi, une forme de malaise a saisi les membres du groupe Socialistes et apparentés. Je ne doute aucunement des bonnes intentions des auteurs de ce texte, en particulier de son rapporteur, et perçois, comme vous tous, le désir ardent de nombre de nos concitoyens d'exprimer leur reconnaissance à l'endroit des soignants. J'y vois cependant une proposition inaboutie, et pour tout dire un peu hors sujet ; j'y vois aussi une impasse dans le travail de renouvellement du contrat social auquel les circonstances nous obligent.

Si cette proposition est hors sujet, c'est parce que, chacun le sait, la crise de l'hôpital public précède celle du covid-19. C'est malgré ces difficultés anciennes – je le dis sans dérobade – et profondes que les soignants, qui étaient pour certains d'entre eux en grève depuis dix-huit mois, ont livré bataille dans des conditions et avec un courage qui forcent l'admiration.

Un chef de service auquel on disait l'admiration qu'éprouvent les Français devant ces authentiques actes d'héroïsme, a eu pour toute réponse : « L'hôpital n'a pas besoin de héros, mais de moyens ». Si l'on mesure la part de modestie de cette réponse, elle introduit ou réintroduit sans fard le sujet sur lequel devraient porter notre réflexion et nos propositions : les moyens de l'hôpital, pour bien soigner, bien travailler et bien vivre. Bien sûr, chacun espère que le Ségur de la santé apportera des réponses à la hauteur de la situation. Mais, auparavant, il y a eu la loi de financement de la sécurité sociale : nous avions alors présenté un plan d'urgence pour l'hôpital, dont on peut regretter qu'il n'ait pas fait l'objet de la moindre considération de la part du Gouvernement, celui-ci jugeant qu'il avait fait au mieux.

À l'annonce de votre proposition, le personnel soignant lui-même a ressenti le malaise que je décris. Certains ont eu des mots durs, refusant la charité comme les médailles. La question n'est d'ailleurs pas celle des congés des soignants, puisque, comme vous l'indiquez vous-même dans votre rapport, monsieur le rapporteur, ils ne pourront pas prendre leurs propres congés, faute de temps et de remplaçants. La vraie question est celle des effectifs, du nombre de soignants par lit et par malade ; celle du nombre de ces lits ; celle de l'investissement, et pas seulement dans les grands chantiers comme l'hôpital Grand Paris Nord ou le centre hospitalier universitaire de Nantes.

Il vous faudra aussi, bien sûr, répondre à des questions structurelles sur la place de l'hôpital dans son environnement, sur le pilotage des politiques de santé dans les territoires, sur la gouvernance, sur la tarification. Nous devrons poser la question des moyens que les Françaises et les Français, par leurs cotisations, sont prêts à accorder à l'hôpital public.

C'est la raison pour laquelle, aux incitations à la charité, si généreuses soient-elles, il faut préférer des politiques sociales pour tous, financées par la solidarité nationale. Oui, les Françaises et les Français qui le peuvent donneront probablement des jours de congé, mais je suis convaincu qu'ils préféreraient une rémunération des soignants à la hauteur de la valeur sociale dont ils ont été les témoins, comme ils préféreraient à d'hypothétiques dons une contribution des plus riches à l'effort national.

En l'état, le compte n'y est pas, et nous ne pouvons soutenir une proposition qui pourrait ressembler – même si vous le démentez, et je crois bien volontiers à votre sincérité – à une forme d'esquive.

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