Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2021

Bruno le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance :

Je suis très heureux de vous retrouver avec Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, pour ce débat d'orientation des finances publiques pour 2021. Nous allons débattre ce matin des grandes orientations de nos finances publiques, dans un contexte économique absolument inédit. En effet, la crise économique que nous devons affronter n'a aucun équivalent en France depuis la grande récession de 1929. En outre, la situation internationale reste extrêmement fragile ; l'épidémie de coronavirus s'est intensifiée dans certains pays, en particulier en Israël et aux États-Unis. Le contexte est inédit également car l'avenir est plus que jamais incertain. Un grand nombre des chiffres dont nous allons débattre aujourd'hui dépendent de l'éventualité d'une reprise de l'épidémie en France à l'automne, même si nous prenons toutes les dispositions sur le front sanitaire pour éviter une telle situation et comptons sur le sens des responsabilités de nos compatriotes. Il en va de notre sécurité sanitaire à tous, ainsi que de la situation économique et des emplois dans notre pays.

Cette incertitude doit nous conduire à examiner avec une grande prudence les chiffres que je vous présente ce matin. Les maîtres mots de ce débat d'orientation des finances publiques seront donc pour moi « volonté » et « prudence ». Nous avons la volonté de surmonter la crise et d'apporter des réponses, comme nous le faisons avec le Président de la République et le Premier ministre, à toutes les entreprises et à tous les salariés qui sont inquiets pour leur emploi. Nous avons aussi la volonté de tenir nos finances publiques avec responsabilité malgré les circonstances. Mais il nous faut aussi faire preuve de prudence face à une situation économique qui reste imprévisible et instable.

Vous le savez, nous avons évalué la récession pour l'année 2020 à 11 %. Depuis plusieurs semaines, nous enregistrons des indicateurs positifs qui traduisent l'efficacité des mesures que nous avons mises en place depuis le début du mois de mars. L'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, constate ce matin dans ses enquêtes de conjoncture un net rebond de l'activité économique dans tous les secteurs. Nous nous en félicitons et nous y voyons la preuve de l'efficacité des mesures que nous avons mises en oeuvre.

La consommation s'est très rapidement redressée. Dans le secteur de l'automobile par exemple, les ventes de véhicules sont supérieures en juin 2020 à ce qu'elles étaient en juin 2019, grâce à l'instauration de la prime à la conversion et au soutien massif aux véhicules électriques et aux véhicules hybrides rechargeables. Le climat des affaires dans l'industrie s'améliore également. Après avoir chuté de 30 points en avril, l'indicateur de l'INSEE poursuit sa remontée en juillet.

Ces bons résultats sont satisfaisants ; ils restent néanmoins trop fragiles pour que nous révisions nos prévisions de croissance pour le moment. Je tiens néanmoins à vous dire ma détermination à poursuivre avec la même volonté, le même engagement et la même ténacité la mise en place des mesures qui nous permettront d'améliorer la situation et de réduire l'ampleur de la récession dès 2020. Ce n'est pas demain qu'il faut se battre, c'est maintenant, comme nous le faisons depuis le premier jour. Je ne me résigne pas à une récession de 11 % : je pense que si nous accélérons la mise en place des mesures que nous avons déjà décidées et veillons à leur bonne exécution, nous pourrons atteindre dès 2020 un chiffre plus favorable.

Nous avons déjà engagé 460 milliards d'euros pour amortir le choc sur l'économie, dans les trois projets de loi de finances rectificative déposés depuis le début de la crise en mars. Dans celui que nous examinons actuellement, nous engageons près de 45 milliards d'euros de dépenses budgétaires pour soutenir les secteurs les plus touchés par la crise, dont vous connaissez, sur le terrain, les entreprises ou les commerces : l'hôtellerie, la restauration, le secteur événementiel, la culture, l'aéronautique et tous ses sous-traitants, l'industrie automobile, la tech, le commerce d'une façon générale et le commerce de proximité. Tous ces secteurs ont bénéficié d'aides et de soutiens massifs de la part du Gouvernement.

Nous avons décidé de mesures supplémentaires qui ont également pour objectif, dès 2020, d'améliorer la situation et de réduire l'ampleur de la récession, aujourd'hui estimée à 11 %. Les mesures fiscales, comme le report en arrière du déficit des entreprises – le carry-back – à hauteur de 400 millions d'euros, effectif dès 2020, doivent redonner une bouffée d'air aux entreprises et leur permettre d'enregistrer de meilleurs résultats. Les mesures en faveur des jeunes, qui se chiffrent à plusieurs milliards d'euros et seront précisées dès la semaine prochaine, doivent permettre à chaque jeune dans notre pays de trouver une place sur le marché du travail à la rentrée de septembre. L'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire de 100 euros, qui représente une dépense budgétaire de 500 millions d'euros, vise à soutenir la demande et à nous permettre d'obtenir dès 2020 un taux de récession inférieur à 11 % – un chiffre que nous maintenons tout en le combattant.

Pour l'année 2021, nous prévoyons dans le rapport préparatoire à ce débat d'orientation des finances publiques une croissance de 8 %. Cette prévision est à prendre avec plus de prudence encore. Les incertitudes, déjà considérables pour la fin de l'année 2020, sont totales pour l'année 2021, d'autant que le rebond de la croissance anticipé en 2021 dépendra de l'ampleur effective de la récession en 2020. La croissance pour 2021 est, de ce fait, très difficile à évaluer.

Face à cette incertitude concernant les chiffres, nous devons avoir un seul et unique objectif économique : retrouver dès 2022 un niveau de richesse nationale équivalent au niveau d'avant la crise, c'est-à-dire à celui de 2019. C'est en effet l'essentiel, au-delà des chiffres de la récession ou du rebond de 2021. Pour nos compatriotes, pour notre prospérité, pour la place de la France en Europe et pour sa puissance économique dans le monde, l'essentiel est de réduire le plus vite possible l'écart de richesse entre la France d'après-crise et celle d'avant-crise. L'essentiel, mesdames et messieurs les députés, est de se battre contre le déclassement économique français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.