Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2021

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Qu'il n'y ait plus de priorités budgétaires en 2021, c'est un énorme problème pour notre pays, car alors tout est possible ! Je ne crois pas cependant que, même dans le nouveau monde, on puisse dépenser « quoi qu'il en coûte ».

Vous l'avez dit, monsieur le ministre de l'économie, le Gouvernement devrait débloquer cet automne 100 milliards d'euros supplémentaires sur deux ans, soit un effort cumulé de plus de 160 milliards d'euros de dépenses nouvelles. J'ai parfaitement conscience qu'il faut dépenser massivement pour amortir la récession et éviter la multiplication des plans sociaux et l'explosion du chômage de masse. Mais notre pays ne peut s'exonérer tout à coup de toute contrainte financière. Certaines dépenses comme le financement du chômage partiel ou l'achat de masques sont ponctuelles, mais d'autres sont pérennes, comme les 8,5 milliards d'euros débloqués à l'issue du Ségur de la santé en faveur de la revalorisation des salaires des personnels de santé ou la suppression annoncée de certains impôts de production. Dieu sait si nous y sommes favorables, mais il faudra bien nous dire un jour comment vous comptez les financer. Je pensais que c'était l'objet de ce débat d'orientation des finances publiques, mais visiblement ce n'est pas le cas.

Il ne faut pas confondre comptes publics et contes de fée ! Il y a des réalités derrière ces chiffres. C'est pourquoi je vous propose, dans un objectif de clarification, de joindre au plan de relance un plan sérieux et solide de rétablissement financier, ou de convalescence financière de notre pays. Vous devez expliquer comment on finance concrètement l'effort du pays : la confiance durable des Français et des marchés est à ce prix.

Votre objectif de retrouver en 2022 le niveau de richesse de 2019 est atteignable, selon beaucoup de prévisionnistes : le cours naturel des choses et l'accumulation des plans de relance le permettront sans doute mais il n'en ira pas de même de la restauration des finances publiques. Celle-ci devra emprunter un chemin long et difficile, comme la Cour des comptes l'a indiqué très justement, et ce quel que soit le scénario retenu, du plus prudent au plus pessimiste.

Curieusement, c'est le moment que vous choisissez pour annoncer la création d'un cinquième risque – elle devrait être votée cet après-midi. Reconnaissez que le calendrier est assez saugrenu, à un moment où toutes les branches sont massivement déficitaires. Il s'agira d'une coquille vide puisque nous ignorons comment ce risque sera financé et que cette idée ancienne ne deviendra réalité qu'une fois qu'on aura trouvé un financement durable.

Comment éviter de verser de l'eau dans un bateau qui coule ? Comment faire en sorte que ce plan de relance permette à la fois de transformer la France et de consolider notre souveraineté financière ? Tels sont les débats que nous devrions avoir dès aujourd'hui, plutôt qu'un banal débat d'orientation des finances publiques. C'est d'un plan très conséquent de redressement de nos finances publiques que nous devrions débattre.

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