Intervention de Thomas Mesnier

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2021

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Permettez-moi tout d'abord de partager le plaisir que j'ai de participer pour la première fois à ce débat en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales. L'exercice participe de la sincérité budgétaire et de la transparence de l'exécution des politiques publiques que nous votons dans cet hémicycle.

La réponse engagée face à la crise sanitaire a fortement altéré les prévisions initiales. En quelques mois, nous avons changé de monde. Rappelons – on ne le dit pas assez – que la sécurité sociale a pris toute sa part dans l'effort financier de la nation. L'augmentation de 8 milliards d'euros de l'ONDAM a permis de répondre rapidement à l'ampleur de l'épidémie, en armant Santé publique France et en allouant des moyens supplémentaires aux soignants. Les budgets de l'État et des branches de la sécurité sociale – je pense notamment à l'action sociale menée par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF – ont également permis de soutenir les publics les plus fragiles. Quatre millions de familles ont perçu une prime le 15 mai, pour un montant total de 1 milliard d'euros, tandis que les étudiants et les jeunes les plus fragiles ont reçu un soutien de la puissance publique. En ces temps difficiles, la cohésion sociale n'est pas négociable.

Les efforts touchant les recettes sont d'une ampleur inédite : ils atteignent 43 milliards d'euros, dont 25 milliards au titre de la seule réduction de la masse salariale. Les amortisseurs sociaux ont pleinement joué leur rôle et ont atteint un niveau inégalé, deux fois supérieur à celui de 2010. Qu'il s'agisse des reports et des annulations de cotisations sociales, ou de la diminution des ressources liée au déploiement rapide de l'activité partielle, les mesures instaurées par le Gouvernement et la majorité ont permis de maintenir la continuité de l'emploi, de préserver les compétences et d'éviter une vague de faillites.

Ces efforts ont été fournis conjointement par les régimes de la sécurité sociale, les régimes complémentaires et l'Unédic. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – soutient les régimes afin qu'ils surmontent leurs éventuelles difficultés financières. Pour sa part, l'Unédic finance un tiers des dépenses liées à l'activité partielle. Cette prise en charge conjointe constitue une preuve supplémentaire de la cohérence d'ensemble de notre protection sociale – cohérence qui appelle, à mon sens, une réflexion collective concernant le champ d'examen du PLFSS. De nombreuses discussions ont été engagées à ce sujet, par le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale comme par notre assemblée. L'action d'organismes déjà inclus, en comptabilité nationale, dans le champ des administrations de sécurité sociale – ASSO – ne peut plus constituer un point aveugle de notre exercice financier. Compte tenu des liens financiers entre l'assurance chômage, les régimes de retraite complémentaires et les régimes obligatoires de base, est-il encore normal que, dans les PLFSS, nous ne puissions jamais examiner les mesures qui affectent les uns sans parler des autres ?

Ces réflexions pourraient déboucher sur une modification du cadre organique relatif à l'examen des PLFSS, concernant leur périmètre et leur calendrier d'examen. En effet, l'examen commun des dépenses de l'État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale montre l'intérêt d'une approche financière globale, sans renier la spécificité que constituent les finances sociales. Ce chemin de crête appelle davantage à une clarification des modes de présentation des deux textes financiers qu'à leur rapprochement. Une présentation commune du PLF et du PLFSS en conseil des ministres se justifierait parfaitement, tant leurs mesures sont imbriquées – le dernier projet de loi de finances rectificative le démontre. Cette évolution offrirait en outre de meilleures conditions d'examen du PLFSS, attendues depuis longtemps par mes collègues de la commission des affaires sociales, indépendamment des clivages politiques.

S'agissant du contrôle de l'exécution, la réflexion est ouverte. Faut-il aller vers une loi de règlement pour les finances sociales ? Comment articuler le printemps social de l'évaluation avec une communication anticipée des documents permettant de dresser le bilan des mesures passées, tels les programmes de qualité et d'efficience ? Telles sont les questions auxquelles nous devrons répondre avant la fin de la législature. Nos réponses devront contribuer à renforcer l'information dont nous bénéficions – et dont bénéficient, à travers nous, les Français. Elles ne sauraient faire oublier que le texte qui nous occupe chaque automne concerne un champ des finances publiques autonome, qui justifie par son ampleur – un peu plus de la moitié des dépenses publiques – et par ses spécificités historiques, philosophiques et techniques, l'existence d'un texte financier propre.

Le prochain exercice budgétaire s'annonce donc crucial, tant pour l'avenir du système de santé que pour le financement de l'autonomie de millions de Français – au sein, je l'espère, d'une nouvelle branche de la sécurité sociale, longtemps débattue, longtemps repoussée, et dont notre majorité entend acter la création cet après-midi. Le premier budget que je présenterai comme rapporteur général prouvera que parer aux urgences de la crise n'empêche en rien de préparer l'avenir de la protection sociale.

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