Il y a deux raisons à cela. La première, c'est que le service de la dette restreint les marges de manoeuvre : le pays n'a plus les capacités d'investir, donc d'innover. La seconde est psychologique : quand la dette devient massive, les agents économiques s'attendent à des hausses d'impôts, ils ont peur de la faillite et adaptent en conséquence leur comportement.
On nous cite, a contrario, l'exemple du Japon, dont la dette atteint 250 % du PIB. Mais cette dette est financée par l'épargne nationale ; en outre, j'observe que, depuis vingt ans, la croissance et le pouvoir d'achat stagnent au Japon. On peut aussi établir des comparaisons avec des situations dramatiques, comme celle de l'Argentine, qui était l'un des pays les plus riches au monde au sortir de la guerre et qui est complètement déclassée aujourd'hui, ou encore avec le Liban d'aujourd'hui. Ces comparaisons ne me paraissent pas appropriées.
Nous devrions plutôt nous souvenir de ce qui s'est passé en 2008-2009 et, à nouveau, en 2011, lors de la crise de la dette souveraine. En Italie et en Espagne, pays pourtant protégés par l'euro, le différentiel de taux d'intérêt – ce que l'on appelle le « spread » – par rapport à l'Allemagne et même à la France s'est dramatiquement creusé, jusqu'à atteindre 400 ou 500 points de base. La dette publique de ces pays est devenue budgétairement insoutenable – et je ne parle pas de la Grèce et des efforts très douloureux qui ont été demandés à sa population. Et pourtant, en Italie et en Espagne, les budgets sont depuis plusieurs années votés et exécutés avec un solde primaire positif, c'est-à-dire en faisant table rase du passé. Il n'y a pas de frais financiers, et la seule question qui se pose est de savoir si l'on va être capable de compenser les dépenses de l'année par les recettes de l'année. C'est vrai en Italie, mais c'est faux en France : depuis des décennies, notre solde primaire est négatif.