Au nom de La France insoumise, je souligne que vous avez usé et abusé de l'argument selon lequel faciliter le licenciement permettrait d'embaucher en CDI, plutôt qu'en CDD. Selon ce raisonnement, en diminuant les protections de ceux qui ont un emploi, on aiderait ceux qui en cherchent un. Les ordonnances prises par le Gouvernement donnent ainsi de nombreux moyens pour réduire la protection des travailleurs : vous étendez les critères de licenciement économique, vous introduisez un droit à l'erreur pour les employeurs voulant licencier et vous fixez même à l'avance le coût du préjudice subi par les victimes d'un licenciement abusif. Les décisions de ce Gouvernement vont surtout favoriser les employeurs contrevenant au droit du travail.
Une étude commandée par votre ministère et réalisée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) montre pourtant que la réglementation du CDI est loin d'être la première cause invoquée par les employeurs, qui déclarent de toute façon préférer embaucher en CDD. Dans cette étude, publiée le 26 octobre dernier, la majorité des employeurs met en avant la réponse à un besoin limité dans le temps ou la possibilité de tester un salarié avant son embauche définitive. La réglementation liée aux licenciements n'est que peu invoquée ; quand elle l'est, c'est par des chefs d'entreprise de moins de 10 salariés. Le raisonnement sous-tendant ces ordonnances semble donc invalidé par cette étude que vous avez vous-même commandée. Seules quelques entreprises, de moins de 10 salariés, ont des raisons objectives de préférer le CDD au CDI. Néanmoins ces ordonnances facilitent le licenciement dans toutes les entreprises, y compris les très grandes.
Certaines mesures sont même entièrement consacrées à ces dernières. Par exemple, il est évident que la réduction du périmètre d'appréciation des difficultés économiques à l'échelle nationale ne sera d'aucune utilité pour l'entreprise de moins de 10 salariés, mais permettra à des groupes internationaux de justifier des licenciements ici quand ils sont bénéficiaires au niveau mondial.
Cette étude n'est pas le seul élément empirique tendant à prouver que ces ordonnances ne correspondent, en réalité, à aucun besoin majeur des entreprises françaises. Alors que la fusion des instances du personnel a été permise dès 2015, moins de vingt accords ont été signés. Enfin, la supposée complexité du code du travail, en général, est invalidée par une étude de l'INSEE du mois de juin dernier : ce n'est qu'une des dernières raisons invoquées par les chefs d'entreprise pour limiter les embauches, loin derrière les incertitudes économiques. Où sont donc les réponses aux vrais besoins des entreprises et où sont les preuves de l'utilité et des effets vertueux de ces ordonnances ?