Intervention de Patricia Lemoine

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2021

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Lemoine :

Le débat d'orientation des finances publiques est chaque année une étape obligée de la discussion budgétaire et un exercice intéressant à plusieurs égards, notamment parce qu'il permet de prendre de la hauteur de vue et de resituer l'état de nos finances publiques dans le temps long. Dans le contexte de crise sanitaire et économique que nous connaissons aujourd'hui, cet exercice prend un sens tout particulier.

Pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient. Avant même que nous discutions de l'orientation à donner à nos finances publiques, cette maxime populaire maintes fois employée doit nous faire réfléchir sur les marges de manoeuvre de l'État au moment d'aborder cette crise. La Cour des comptes, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, estime que la France n'a pas abordé la crise avec des finances publiques restaurées. En 2019, le taux d'endettement était stabilisé à un peu plus de 98 % du PIB, le déficit structurel s'établissait à 2,2 points de PIB et le niveau de dépense publique à plus de 55 points de PIB.

Nous ne pouvons que partager le constat : la France aurait pu et aurait dû, depuis de nombreuses années – car ce problème ne date pas d'hier – entreprendre des réformes structurelles pour baisser le poids de la dépense et de la dette publiques.

Toutefois, ce constat doit être relativisé au regard du contexte social et des réformes entreprises par le Gouvernement depuis trois ans pour baisser les prélèvements obligatoires et redonner de l'oxygène à l'économie française et du pouvoir d'achat aux Français. Alors que la crise frappe de plein fouet notre économie, le Gouvernement a pris très rapidement les mesures d'urgence nécessaires pour protéger les ménages et préserver les entreprises et l'emploi. Nous l'en félicitons.

Désormais, l'heure est à la relance à coup de milliards d'euros et certains pensent que l'argent est devenu gratuit, ou que les dettes accumulées seront annulées ou transformées en dette perpétuelle. Cette dépense publique est évidemment nécessaire, mais il faut garder à l'esprit deux réflexions : la maîtrise de la soutenabilité de l'endettement public doit demeurer une priorité, et les milliards d'euros annoncés doivent être utilisés avec le souci de l'efficience.

À cet égard, les orientations fixées par le Gouvernement pour le budget pour 2021 sont bonnes : priorité absolue donnée à l'emploi et à la relance, en investissant notamment dans l'accélération de la transition écologique, renforcement des budgets des ministères régaliens, soutien à nos concitoyens les plus fragiles et enfin relance depuis les territoires, qui sont le maillon incontournable pour rétablir le lien de confiance tant attendu afin que les ménages consomment l'épargne constituée pendant le confinement et que les entreprises engagent sans tarder leur plan d'investissement.

Ces indications vont dans le bon sens et nous les saluons – ma collègue Lise Magnier aura l'occasion d'y revenir – mais le plan de relance n'est pas encore connu. Il sera présenté au conseil des ministres le 24 août prochain avant d'être intégré dans le projet de loi de finances pour 2021. Le groupe Agir ensemble sera force de proposition et transmettra au Premier ministre, dès la semaine prochaine, ses axes de réflexion pour affiner la construction de ce plan.

Mais permettez-moi à cette occasion, monsieur le ministre délégué, de vous exprimer nos réserves s'agissant du véhicule législatif utilisé pour ce plan de relance. Lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative successifs, nous étions déjà nombreux sur ces bancs à demander des mesures de relance immédiates. Le temps est compté pour les acteurs économiques dans nos territoires, qui ne peuvent attendre 2021 pour bénéficier des premières mesures. Sur ce point, certaines d'entre elles, contenues dans le PLF pour 2021, pourront-elles avoir un effet rétroactif ?

Nous souhaiterions enfin que le Gouvernement nous donne quelques précisions concernant les prévisions macroéconomiques sur lesquelles il compte fonder son budget. Le rapport que vous nous avez remis table sur une reprise rapide de la croissance. Toutefois, la Cour des comptes, fidèle au lexique qui lui est propre, juge une telle hypothèse « optimiste ». Pour mémoire, vous souhaitez construire le budget pour 2021 sur l'hypothèse d'un rebond du PIB de 8 % en 2021. Si celle-ci se vérifiait, le PIB demeurerait toutefois inférieur d'environ 4 % à son niveau de 2019. Mais le Fonds monétaire international se montre sensiblement plus pessimiste.

De la même façon, d'après vos prévisions, le redressement de la consommation des ménages en 2021 serait de 8 % et celui de l'investissement des entreprises de 20 %. Nous voulons évidemment y croire mais nous nous questionnons. Pourriez-vous, monsieur le ministre délégué, nous en dire un peu plus sur ces prévisions macroéconomiques ? Leur optimisme n'est-il pas de nature à mettre en danger la bonne exécution du budget pour 2021 tel qu'il aura été construit ?

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