Nous voici donc à l'heure d'ouvrir le débat sur les budgets de l'État et de la sécurité sociale pour 2021. Nous partons d'une situation inédite, liée à la pandémie mais aussi, il faut le dire, à la financiarisation totale de notre économie qui rendait inévitable une autre crise, à tel point que de nombreux plans sociaux étaient déjà dans les cartons de plusieurs multinationales avant même que ne frappe le virus. Il est important de le rappeler pour en tenir compte à l'avenir.
Plus rien ne doit être comme avant. Tout le monde le dit. Nous avons besoin d'un État fort, capable de reprendre la main sur son économie et de répondre aux besoins du pays et aux urgences sociales et écologiques. Mais comment y parvenir ? Avec quels moyens et quels leviers pour agir sur l'économie ? Le débat est ouvert.
À cet égard, le plan de l'Union européenne nous inquiète très fortement car il fragilisera encore plus l'État et notre modèle social. Vous allez chanter partout que cet accord est historique car la France recevra 40 milliards d'euros d'aides de l'Union européenne. Mais quelles « réformes structurelles » – je traduis : quelle politique d'austérité – la France devra-t-elle mettre en oeuvre en échange ?
De même, comment allons-nous rembourser cet argent que l'Union européenne emprunte auprès des marchés financiers et non d'une Banque centrale européenne qui est aux abonnés absents ? Rappelons que, chaque année, la France rembourse 40 milliards d'euros d'intérêts sur la dette.
Vous devez aussi expliquer aux Français, monsieur le ministre délégué, que notre pays va perdre des aides de l'Union européenne puisque le budget européen diminuera de 30 milliards. Les 1 074 milliards maintenant annoncés sont très loin des 1 300 milliards prévus. Ce sont la PAC, les politiques de santé ou la recherche qui sont dans la ligne de mire du Conseil européen.
Enfin, pour obtenir cet accord prétendument historique, la France a dû accepter d'augmenter sa contribution annuelle au budget de l'Union européenne afin de compenser la baisse de celle d'autres pays. Sachant que cette contribution est aujourd'hui de 21 milliards d'euros, combien devrons-nous payer l'année prochaine ?
Vous pouvez donc, ici, vous satisfaire de ce plan historique : lorsque vous présenterez la facture aux Français, aux agriculteurs, aux salariés, vous constaterez qu'une colère justifiée s'exprimera. C'est pourquoi nous attendons surtout pour notre pays et pour la sécurité sociale un budget pour 2021 qui rompe avec ces logiques et réponde enfin aux besoins de nos concitoyens, un budget qui permette de vivre mieux, qui sécurise les emplois et le pouvoir d'achat, qui protège de la maladie, un budget, enfin, qui prendra le virage nécessaire pour que nous puissions tenir nos engagements climatiques.
Deux logiques totalement différentes s'affrontent dans notre pays. La vôtre, s'appuyant sur une politique de l'offre, continue à alléger les impôts du capital, ceux des plus riches. C'est une logique de la concurrence libre et non faussée, quoi qu'il en coûte aux êtres humains et à la nature.
« Plus rien ne doit être comme avant », entend-on, mais le ministre Bruno Le Maire vient de promettre ici-même que nous retrouverions le niveau de richesse que nous avions en 2019, avant la pandémie. De quelle richesse parlait-il ? De celle qui a augmenté chez les actionnaires en 2019 et qui provient justement de l'exploitation des hommes et de la nature ?
Rappelez-vous qu'en 2019, nous avons assisté à une distribution record de dividendes : 60 milliards de liquidités ont été versées aux actionnaires du CAC 40.