Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 16h30
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Madame Grandjean, oui l'information des salariés, des organisations syndicales et du management constitue un point très important. Le champ nouveau de négociations et de discussions demande une montée en puissance de l'ensemble des parties prenantes.

C'est pour cela que nous avons choisi la date du 1er mai 2018 pour l'accord majoritaire. Nous l'avons beaucoup avancée par rapport au 1er décembre 2019, prévue dans le cadre de la loi d'août 2016. Car, si l'on donne plus de grain à moudre, il faut aller plus vite vers l'accord majoritaire. En même temps, il faut faire monter en puissance tous les acteurs. Cela étant, tout le monde connaissant à présent la date, les comportements s'orientent déjà vers la recherche de la majorité. Le plus important reste la montée en compétence de toutes les parties. D'où mes propos sur la formation syndicale, mais aussi l'incitation à la formation du management, des DRH… Il y a un énorme travail de sensibilisation et de formation à effectuer, le plus important étant celui des élus et des délégués syndicaux. C'est la raison pour laquelle, nous nous engageons avec les organisations syndicales à commencer au plus vite ce travail pédagogique.

Nous avons également raccourci le délai pour la fusion des branches. Il est désormais avancé d'un an, au 1er septembre 2018, pour les mêmes raisons : si l'on donne plus de grain à moudre aux différentes branches, elles ne pourront pas toutes s'en saisir si elles continuent d'être 650. Il ne se passerait rien alors dans ces branches.

Il y a une montée en exigence générale. Dans les réunions de terrain, nous constatons d'ailleurs que, petit à petit, les entreprises, les organisations syndicales et les DRH réalisent à quel point ce changement demande à chacun de monter en compétence pour établir le dialogue social et se saisir des différentes opportunités. Je sens une envie de toutes les parties de le faire.

Monsieur Aviragnet, on développe beaucoup de moyens pour que les salariés aient plus leur mot à dire dans l'entreprise. Dans le cas du conseil d'entreprise, on va jusqu'à la codécision. Dans le cas des entreprises de petite taille, on trouve un moyen qui permet à des élus du personnel de négocier, et donc, aux salariés, de s'exprimer. On développe notamment l'usage complémentaire du référendum, en particulier dans les entreprises de moins de vingt salariés qui n'ont pas d'élus et qui peuvent ainsi, si les deux tiers des salariés en sont d'accord, négocier des accords avec leur employeur. À tous les étages, on renforce donc cette capacité à participer. Après, il y a d'autres sujets sur la gouvernance et sur la participation entendue comme participation à la valeur ajoutée. Comme vous le savez, nous avons ouvert un chantier en ce domaine, avec mon collègue Bruno Le Maire, pour le printemps prochain.

Monsieur Ratenon, nous avons exactement le même objectif, même si notre analyse des ordonnances est différente. Je suis moi-même engagée sur les sujets d'égalité entre les femmes et les hommes depuis des années. J'ai créé un mouvement dans ce domaine. Je pense que tout ce qui se passe depuis quelques semaines, cette libération de la parole, qui a lieu en France mais aussi dans de nombreux autres pays, est extrêmement salutaire. Car la loi ne suffit pas. Les comportements aussi doivent évoluer : une prise de conscience de la société est nécessaire. Et les choses bougent depuis quelques semaines, beaucoup plus que jamais auparavant. On parle d'un déni de ces violences faites aux femmes, je pense que, pour la grande majorité, il s'agit plus d'inconscience que d'un déni volontaire. Au-delà des harceleurs au sens strict, il y a beaucoup de personnes dans les entreprises – et ailleurs – qui ne sont pas conscientes que des propos et tout un climat de sexisme ordinaire créent un terreau sur lequel certains vont déraper et créer un lien de harcèlement, qui est d'une violence terrible.

En la matière, nous avons en France une loi qui condamne très clairement toutes les formes de discrimination et de harcèlement, y compris sexuel. Nous sommes pourtant confrontés à la situation que chacun connaît. Je ferai un parallèle que vous avez-vous-même évoqué : depuis 1983 une loi condamne, à travail égal, les différences de salaire entre les hommes et les femmes. Or il existe toujours 9 % de différence, à travail égal, entre les hommes et les femmes, et plus de 20 % si on prend en compte le déroulement de carrière.

Cela montre que la loi est nécessaire, mais qu'elle ne suffit pas. Il faut aussi une prise de conscience et une mobilisation de tous les acteurs. Cela ne peut être l'affaire des seules femmes, des seuls syndicats ou des seuls inspecteurs du travail. Ces derniers ont reçu, l'année dernière, 2 500 signalements pour des motifs de harcèlement. Aujourd'hui, les enquêtes auxquelles nous avons procédé avec le Défenseur des droits, montrent que 70 % des femmes victimes de harcèlement ne dénoncent pas et que, dans celles qui le font, 40 % estiment qu'à la fin, ce sont elles qui sont pénalisées, puisque ce sont elles qui sont mutées ou qui perdent leur emploi plutôt que le harceleur.

Cette situation dramatique est inacceptable. Elle recouvre des sujets de formation du management et de l'encadrement, mais aussi de prise en compte plus forte par les partenaires sociaux du problème. Contrairement à ce que certains prétendent, la négociation obligatoire est toujours prévue. Nous avons maintenu le caractère obligatoire de la négociation au niveau de l'entreprise et de la branche. Le droit doit être très clair en la matière.

Quand il arrive au judiciaire, ce sujet est complexe, car la preuve est souvent difficile à faire. Il est donc d'autant plus important de faire beaucoup plus de signalements et de prévention. De même, il faut soutenir et protéger les femmes qui font un recours dans les entreprises. C'est l'affaire à la fois de l'encadrement et des organisations syndicales, des médecins du travail, bref de toutes les parties concernées.

Il faut en finir avec le déni collectif et l'idée que cela ne serait pas grave. Si, c'est grave. Même le sexisme ordinaire crée un terreau qui n'est pas sain et qui autorise des choses illicites et beaucoup plus graves. Ce sujet très important concerne toutes les générations, car on voit aussi des jeunes femmes qui se trouvent confrontées au même problème. Toutes les générations, tous les lieux de travail, qu'il s'agisse du privé ou du public, sont concernés. L'effort doit être collectif. Nous lutterons avec toute la représentation nationale contre cette pratique inadmissible au regard des droits humains et qui mine la confiance dans l'égalité entre femmes et hommes au sein de l'entreprise.

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