Intervention de Yaël Braun-Pivet

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 16h00
Mesures de sureté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYaël Braun-Pivet, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Je suis fière de vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire, parvenue à un accord sur cette proposition de loi à laquelle j'ai tant travaillé. Le Parlement peut également s'enorgueillir de ce texte, d'abord parce qu'il émane de lui, ensuite parce que les regards croisés de nos deux assemblées ont permis d'aboutir à des dispositions que je crois justes et utiles. C'est la force de notre Parlement.

Cette proposition de loi fait suite, en effet, aux travaux de la délégation parlementaire au renseignement, commune aux deux assemblées, ainsi qu'au contrôle pluraliste de la loi SILT – renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT – du 30 octobre 2017.

Nous sommes confrontés à une menace avérée, confirmée par les acteurs de la lutte antiterroriste, le parquet national antiterroriste, la direction générale de la sécurité intérieure, le coordonnateur national du renseignement. Des individus condamnés pour terrorisme vont sortir de prison. Certains sont encore dangereux. Notre responsabilité est engagée. Lorsque l'un de ces acteurs de la lutte antiterroriste déclare aux députés qu'il a peur, nous devons agir, d'autant que le risque n'est, hélas, pas théorique. Des attentats ont déjà été commis sur notre sol, à Paris, à Nice, à Trèbes, et jusque dans nos prisons, à Osny ou à Condé-sur-Sarthe.

Bien sûr, la politique pénale ne se construit pas en jouant sur les émotions. Surtout pas ! Au contraire, nous devons prendre nos responsabilités et déterminer, en toute objectivité, si nous disposons des instruments juridiques nécessaires pour faire face à cette menace. Or, s'il semble exister de nombreux dispositifs, préventifs et répressifs, dont il faudra d'ailleurs renforcer la cohérence et la lisibilité, l'énumération serait trompeuse car ils sont soit inapplicables, soit insuffisants : le vide juridique est avéré.

Nous avons, comme toujours, travaillé en veillant au respect des libertés fondamentales et de nos règles constitutionnelles. Le garde des sceaux lui-même a déclaré, au Sénat, ne pas avoir « été pris soudain pris d'une folie liberticide » avant de soutenir cette proposition de loi, comme l'avait fait Mme Belloubet en première lecture. De ce point de vue, vous êtes au-dessus de tout soupçon ! Nous également.

De fait, le dispositif que nous avons construit témoigne de notre confiance envers l'autorité judiciaire : seul le juge judiciaire, et non l'autorité administrative, prononcera, à l'issue d'un débat contradictoire, les mesures de sûreté. J'insiste : le juge judiciaire ; pas l'autorité administrative. Quand il constatera que des condamnés pour terrorisme présenteront encore, à l'issue de leur peine, des signes objectifs de dangerosité, le juge pourra donc leur imposer des contraintes précises : établir leur résidence en un lieu déterminé ; solliciter une autorisation pour changer d'emploi ou aller à l'étranger ; ne pas entrer en relation avec certaines personnes ni paraître en certains lieux ; se présenter périodiquement auprès des forces de l'ordre ; porter un bracelet électronique, sous réserve d'y consentir. Aucune de ces mesures, bien sûr, n'est privative de liberté.

Conscients d'arpenter une ligne de crête, nous avions souhaité que le président de l'Assemblée nationale saisisse le Conseil d'État afin de répondre à deux questions essentielles : s'agit-il bien de mesures de sûreté et peuvent-elles s'appliquer à des personnes déjà condamnées ? Le Conseil d'État a répondu par l'affirmative.

Pour le reste, il a balisé notre chemin de recommandations, destinées à renforcer la nécessité, l'adéquation et la proportionnalité des mesures projetées. Nous avons ainsi réduit de moitié la durée maximale durant laquelle les mesures de sûreté pourront être prononcées, et plus encore pour les mineurs. Nous avons donné la possibilité à la juridiction de mettre fin aux mesures dès lors qu'elle ne les estime plus nécessaires.

Le Sénat a ajouté d'autres garanties. Il a complété la liste des obligations, en renforçant le volet relatif à la réinsertion, que l'Assemblée nationale avait commencé à ériger. Il a précisé la notion de dangerosité afin de sécuriser le dispositif en reprenant la qualification retenue dans la législation pour les MICAS, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

La CMP a travaillé dans le même esprit : nous avons prévu un renouvellement annuel de la mesure, limité son champ aux personnes condamnées à plus de cinq ans de prison, et imposé la collégialité de la juridiction. À chaque fois, le principe de sécurité juridique a guidé notre choix. Nous avons tout fait pour concilier, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public, nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés fondamentales.

Agir pour la sécurité de nos concitoyens suppose d'agir sur tous les fronts, celui des moyens comme celui des outils juridiques. Notre Parlement a su, une fois encore, se montrer à la hauteur de l'enjeu : la protection des Français.

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