J'ai en effet eu l'honneur de le déclarer à vos collègues du Sénat : je n'ai pas été pris soudainement d'une aveuglante folie liberticide. Si cette proposition de loi avait visé à maintenir en détention des condamnés après qu'ils ont purgé leur peine, il est évident que je ne l'aurais pas soutenue. Mais il est question de tout autre chose. Le condamné sort de détention après avoir purgé sa peine, mais un juge de l'ordre judiciaire peut lui imposer certaines obligations, qu'il doit respecter, sans quoi il sera à nouveau incarcéré. La remise en liberté de détenus condamnés, potentiellement toujours radicalisés en dépit du travail réalisé, nous place collectivement face à un problème qu'il serait dangereux d'oublier.
Nous devons tout mettre en oeuvre pour garantir la sûreté de nos concitoyens, tout en maintenant le pacte républicain, qui repose sur nos libertés fondamentales et inaliénables. Si je reviens parmi vous cet après-midi, alors que nous étions déjà ensemble avant-hier, c'est bien parce que le Parlement et le Gouvernement ont pris la mesure de cet impératif, ce qui doit être salué.
En effet, la célérité avec laquelle la commission mixte paritaire est parvenue hier après-midi à un accord solide témoigne de l'engagement du législateur et de la détermination des rapporteures – en particulier la vôtre, madame la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République – à faire aboutir ce texte dans les plus brefs délais. Je vous en remercie.
Vous avez, à l'issue du travail de chacune des deux chambres et en vous appuyant sur un avis très étayé du Conseil d'État, dégagé une solution qui me semble équilibrée.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit d'introduire dans le code de procédure pénale un dispositif qui permettra au juge judiciaire d'imposer des mesures de sûreté aux personnes condamnées pour des faits de terrorisme et ayant purgé leur peine d'emprisonnement. Vous vous êtes attachés à encadrer ce nouveau dispositif de garanties qui me paraissent indispensables. Ainsi, le nouveau dispositif ne pourra s'appliquer qu'aux personnes ayant déjà été condamnées pour des actes de terrorisme. Il sera limité aux personnes condamnées à une peine privative de liberté supérieure ou égale à cinq ans, ou supérieure ou égale à trois ans en cas de récidive. Cet ajout renforce la proportionnalité du dispositif.
La durée initiale de la mesure est fixée à un an. La réévaluation régulière des mesures de sûreté constitue, à mon sens, une garantie importante pour concilier de manière équilibrée la prévention des atteintes à l'ordre public et le principe selon lequel la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Je me réjouis de la décision de la CMP allant en ce sens.
Rappelons que seule l'autorité judiciaire sera compétente pour prononcer, le cas échéant, ces mesures de sûreté. C'est pourquoi ce texte constitue un progrès, car nul n'ignore que, sans cela, les condamnés pour infractions terroristes feraient sans doute l'objet d'un suivi par nos services de renseignements, sans aucune intervention du juge. Cette proposition de loi, au contraire, confiera au juge le soin de rendre une décision à l'issue d'un débat contradictoire, ce qui permettra aux parties de présenter leurs observations. Et le condamné, assisté d'un avocat, pourra faire appel devant la juridiction compétente.
Vous avez retravaillé le dispositif qui prévoit que le condamné puisse solliciter, à tout moment, la modification ou la mainlevée de ces mesures de sûreté : le juge de l'application des peines spécialisé en matière terroriste pourra adapter les obligations à tout moment.
Dans son oeuvre normative, le législateur a toujours cherché à articuler la spécificité de la criminalité terroriste avec nos valeurs. L'examen de cette proposition de loi en témoigne.
Je le répète, il sera essentiel d'évaluer les dispositifs de prévention de la récidive terroriste dans leur ensemble. La complexité actuelle peut en effet nuire à l'efficacité de l'action de l'État. Il est nécessaire de remettre à plat les dispositifs existants afin de redonner cohérence et lisibilité d'ensemble à l'empilement actuel. C'est au prix d'une telle évaluation que l'action de l'État trouvera sa pleine efficacité, son sens et sa cohérence, dans une matière qui n'appelle aucune hésitation : la protection des Français.
Pour conclure, j'appellerai votre attention sur un point. Ceux qui semblent ne pas vouloir admettre l'équilibre auquel vous êtes parvenus dans ce texte sont ceux qui critiqueront demain votre effroyable laxisme lorsqu'un condamné récidivera.