Le présent texte proroge, en vue d'un texte organique à venir, le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental. Je suis par principe très réservée quant à la prorogation des mandats quels qu'ils soient. Du reste, à ma connaissance, nous ne nous étions pas permis ce genre de liberté au cours du quinquennat précédent. Force est de constater que cela traduit une forme de désorganisation dans l'examen des textes, même en tenant compte des difficultés dues à la crise de la covid-19. Quels que furent les drames qui ont ébranlé notre pays, nous n'en avions jamais été réduits à doubler nos réformes de telles prorogations.
Cela étant dit, il est vrai que, du fait de sa composition, de ses modalités de fonctionnement, du rythme des réformes, le CESE peine à jouer pleinement son rôle, et depuis longtemps. Il éprouve des difficultés à trouver sa place dans les institutions de la République et à garantir la visibilité de ses travaux, et il n'a jamais fait la preuve de son efficacité : le bilan est sévère.
Le projet de loi organique permettra un débat utile. La mission du CESE étant d'être, pour reprendre les termes du Président de la République, « un trait d'union entre la société civile et les instances politiques », il est sans doute indispensable, s'il est conforté en tant que tel, de réformer ses modalités de fonctionnement pour lui permettre d'assurer ce lien, au travers notamment de la démocratie numérique et de la consultation citoyenne, qu'elle facilite, sans exclure pour autant le travail de terrain.
Mais la société civile, c'est aussi nous, les députés, qui la représentons. Je n'ai pas besoin, pour ma part, d'un trait d'union pour entrer en contact avec elle et avoir le sentiment que je la représente, au travers notamment des ateliers législatifs citoyens que nous organisons dans nos territoires ou des jurys citoyens qui sont là pour nous aider dans notre réflexion législative. Le citoyen n'appartient à aucune institution, ou plutôt chacune d'elle doit s'en soucier, à tous les niveaux et quelle que soit son action. La société civile n'est pas à ranger dans un placard ; nous revendiquons ici la possibilité d'organiser des consultations citoyennes. Il appartient au Parlement aussi d'organiser de telles consultations, en lieu ou non avec le Conseil économique, social et environnemental.
Je rappelle que la révision constitutionnelle nous avait permis d'avancer sur ce point. Nous avions demandé que la consultation citoyenne organisée par l'Assemblée nationale soit plus efficace et lisible. Nous avions considéré que le CESE, plutôt qu'être le représentant de la société civile et l'organisateur de consultations citoyennes – pour lesquelles il peut avoir la main, mais sans exclusive – , devait devenir l'assemblée du futur. Nous estimons en effet que le plus difficile pour le législateur est d'avoir une vision de long terme. Le CESE trouverait toute son utilité en nous montrant un chemin et en nous permettant de nous assurer que les dispositions que nous adoptons s'inscrivent dans la transition que nous avons à plusieurs reprises voulu organiser dans les textes antérieurs. Notre idée est donc d'en faire une assemblée du futur, qui corresponde à ce monde d'après dont beaucoup parlent, qui interroge la transition.
Dans cette perspective, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de la prorogation car voter contre n'aurait pas de sens. Le débat sur le Conseil économique, social et environnemental sera cependant nourri. Le qualificatif « environnemental » dit toute la nécessité d'interroger le futur. Quelle institution mieux que le CESE pourrait le faire ?