Commençons par la fin : je n'ai pas d'opinion – ou du moins, je m'abstiendrai – sur la prolongation du mandat des membres du CESE. Je profite néanmoins de cette tribune pour aborder un sujet central, majeur : la crise profonde de notre démocratie et de nos institutions, qu'il serait insouciant de sous-estimer.
L'heure est grave. Dernièrement ont eu lieu des élections municipales, que d'aucuns qualifiaient d'« élections proches des gens ». Or leur taux de participation a été si faible qu'il doit nous inciter à tirer la sonnette d'alarme : il démontre l'essoufflement et même le caractère antidémocratique de nos institutions. Je m'applique cette remarque à moi-même, comme à vous tous : moi-même, député de la septième circonscription de Seine-Saint-Denis, élu à près de 60 % au second tour, je ne représente en réalité que quelque 20 % des électeurs inscrits ; ainsi, 80 % des gens de ma circonscription n'ont pas voté pour moi, et vous êtes tous dans le même cas !
Il y a quelques jours – vous avez été un lauréat de ce remaniement, monsieur le garde des sceaux – , nous avons découvert un nouveau Premier ministre que personne ne connaissait dans le pays, désigné par la seule volonté du Président de la République. Les députés de la majorité, notamment ceux du groupe LaREM, ont voté la confiance envers ce monsieur, tout simplement parce que le Président de la République lui fait confiance. En définitive, nos institutions ne reposent plus que sur une seule élection : l'élection présidentielle, qui affiche encore un taux de participation relativement élevé – quoique le dernier élu en date ait été davantage désigné par rejet de sa concurrente que par adhésion à sa propre personne.
Voilà le fond du problème : nous devons prendre à bras-le-corps la réforme des institutions. Les députés du groupe La France insoumise en ont la volonté depuis quelque temps. Nous n'entendons pas organiser nous-mêmes cette réforme avec des mesures relevant du bricolage, en nous contentant d'associer différemment le CESE au Parlement, par exemple, mais en refondant les institutions de fond en comble, en consultant les Français, en les appelant à participer et ainsi en renouant avec notre histoire : convoquons une assemblée constituante !
Derrière l'hémicycle se trouve un magnifique bronze de Jules Dalou figurant une scène des états généraux du 23 juin 1789, lorsque Mirabeau a rétorqué à l'envoyé du roi, le marquis de Dreux-Brézé, que les représentants du peuple détenaient désormais la souveraineté. « Nous sommes ici par la volonté du peuple, et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes » – vraie ou non, la citation est restée dans l'histoire, affirmant haut et fort un acte de souveraineté. Nous devons en repasser par là : il revient au peuple lui-même de désigner des représentants pour discuter, élaborer et rédiger une nouvelle Constitution.
J'entends que le président Macron veut consulter, consulter et encore consulter. À force, les Français auront le sentiment d'être pris pour des consultés ! Ils en ont ras-le-bol ! Certes, il y a eu le grand débat – ou plutôt, selon Bertrand Pancher, le « grand blabla ». Certes, on a donné la parole à des gens, mais une grande majorité de nos concitoyens n'y ont pas assisté, et les nombreuses idées intéressantes des participants n'ont jamais été rendues publiques. Il en a tout juste émergé une velléité de référendum d'initiative citoyenne. Or la seule conclusion qu'en ait tirée le Président de la République, c'est qu'il était prêt à abaisser le seuil de déclenchement du référendum d'initiative populaire à 1 million de pétitionnaires. Quelques mois plus tard, alors que nous avions réuni 1 million de signatures contre la privatisation d'Aéroports de Paris, le Président de la République revenait sur la seule décision qu'il avait semblé tirer du grand débat, et décidait de ne pas consulter les Français sur cette privatisation !