Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 16h00
Bioéthique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale :

Nous sommes nombreux à nous réjouir de pouvoir enfin examiner en deuxième lecture ce beau projet de loi relatif à la bioéthique. Quelques-uns rêvent d'en retarder encore l'adoption – ce sont ceux qui ne la souhaitent pas. Nous pouvons bien sûr comprendre et respecter leurs opinions différentes, mais la méthode – consistant à invoquer un jour l'été ou les derniers mois de crise sanitaire puis à essayer, le lendemain, de vider le texte de son sens ou de le réserver seulement aux femmes fortunées – , est discutable.

De fait, cette loi, voulue par le plus grand nombre au sein de la population, soutenue par la majorité dans notre assemblée, attendue par maintes femmes et énoncée dans le programme présidentiel ainsi que dans celui de nombreux députés, sera bel et bien votée. Nous pouvons en être fiers et nous y aurons tous contribué, membres du Gouvernement comme députés de la majorité et de l'opposition.

Il s'agit d'une loi de progrès raisonnable, d'une loi d'équilibre, et surtout d'une loi de défense des droits de l'enfant. Je dirais presque qu'il s'agit d'une loi d'amour : amour dans toutes les familles, quelles que soient les orientations sexuelles parentales ; amour donné par les parents à leurs enfants ; amour filial enfin.

Nous, parlementaires, avons une priorité évidente : défendre les droits des plus fragiles et des plus faibles. L'intérêt prioritaire des enfants est la préoccupation qui nous a animés tout au long du travail sur chacun des articles du texte, en particulier sur l'article 1er, qui ouvre la PMA à toutes les femmes. Comment mieux défendre les intérêts de l'enfant qu'en lui permettant de naître au sein d'une famille qui l'a désiré, espéré et attendu, et qui promet de le choyer, de l'aimer et de l'éduquer ? Toutes les études confirment que les divers types de familles peuvent offrir de bonnes conditions d'épanouissement.

Certains, je les ai entendus, voudraient établir un droit au père pour chaque enfant. Outre le fait que ce droit n'est pas sollicité par les enfants concernés, il ne peut pas exister juridiquement, pas plus que le droit à l'enfant n'existe pour les parents. Comment, d'ailleurs, imposer concrètement à toutes les femmes qui élèvent seules leur enfant la présence à leur côté d'un père non désiré ? Comment contraindre un enfant qui a deux mamans à oublier l'une de celles-ci, qui lui donne tout son amour, pour la remplacer par un père étranger ? Tous ces fantasmes doivent bien sûr être écartés. Sans idéologie préconçue, nous devons analyser de façon pragmatique les quelques améliorations à apporter au texte proposé voilà dix mois par la commission spéciale, en nous inspirant de l'esprit et de la sérénité qui ont prévalu en première lecture.

La prise en charge par la solidarité nationale des parcours d'AMP – assistance médicale à la procréation – , sans distinction fondée sur l'orientation sexuelle des parents, est nécessaire. L'AMP est déjà prise en charge pour les couples hétéroparentaux non stériles. L'ouverture de cette pratique aux femmes en couple et aux femmes seules impose de leur appliquer le même traitement si nous voulons, comme nous y invite le Conseil d'État, respecter la tradition de solidarité de notre système de santé.

Nous avons également autorisé à nouveau le double don de gamètes, permettant ainsi aux femmes seules infertiles de réaliser leur projet parental. Des débats intéressants reprendront sur la PMA de volonté survivante, symbole fort de la reconnaissance du droit des femmes à prolonger le projet parental conçu avec leur mari, dans le sillage du droit qu'elles ont pu conquérir il y a quarante-cinq ans avec la liberté de poursuivre ou non une grossesse.

La possibilité pour une femme de transmettre ses ovocytes à sa femme dénuée d'ovocytes fécondables a été adoptée par la commission spéciale. Elle a, curieusement, suscité des commentaires surréalistes. Je ne m'étendrai sur les contresens ou abus de langage incompréhensibles, comme le fait d'assimiler la méthode ROPA, la réception d'ovocytes de la partenaire, à une GPA, alors que c'est précisément l'inverse – il ne peut pas y avoir de gestation pour autrui lorsque la gestation implique les deux parents : il s'agit bien d'une gestation pour la famille elle-même et pas pour un autre couple. Par ailleurs, l'argument selon lequel le don d'ovocytes serait dangereux pour l'une des mères de l'enfant à venir mais pas pour une femme étrangère au couple est jugé hypocrite par la présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Mme Belaisch-Allart, qui ne voit aucune raison autre qu'idéologique à s'opposer à cette pratique.

Tous les professionnels de la procréation, comme tous les couples concernés, …

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