Intervention de Marc Delatte

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 16h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Delatte :

Appelés à voter en seconde lecture le projet de loi relatif à la bioéthique, qui a fait l'objet de nombreuses concertations depuis janvier 2018, nous mesurons combien notre monde, en peu d'années, a profondément changé, générant espoir et inquiétude. Si la loi ne restreint nullement la réflexion éthique, la pandémie nous rappelle qu'il nous faut penser le monde et relever de nombreux défis en nous appuyant sur des principes de justice, d'équité et de solidarité – solidarité dont les Français ont fait preuve lors du confinement. À l'heure où il nous faut nous rassembler et retrouver le chemin de la confiance, la loi bioéthique renforce notre conviction que toute loi doit prendre racine dans ces principes mêmes. Selon le philosophe Hans Jonas, créer un pont entre éthique et politique, c'est assurer la « responsabilité de l'avenir humain ».

Nous ne pouvons longtemps ignorer les réalités de notre société : un quart des familles sont monoparentales, 2 000 à 3 000 femmes passent la frontière, si elles en ont les moyens, pour ce que nous leur refusons. L'ouverture à toutes, sans discrimination, de l'assistance médicale à la procréation, prise en charge par l'assurance maladie, est une réponse à un profond désir de créer une famille, à un projet parental, un projet d'amour. Dans ce désir, il faut aussi discerner, en creux, la souffrance qui y est liée ; mais il ne saurait être l'expression d'un droit à l'enfant comparable à l'achat du dernier robot ménager.

Si les sujets sociétaux abordés dans cette loi nous interrogent sur la définition de la famille, nous mettant face aux réalités d'aujourd'hui, d'autres sujets d'importance requièrent un encadrement juridique et nous interpellent sur la notion de progrès, sur le techniquement possible et l'éthiquement souhaitable afin d'éviter tout glissement vers l'eugénisme. Rappelons ici notre totale opposition à une marchandisation du corps de la femme et à l'exploitation des pauvretés, et notre attachement au don – désintéressé, voire autotélique.

Aujourd'hui, le champ des possibles, en matière de thérapie génique par exemple, ouvre des perspectives thérapeutiques encore inespérées il y a peu : citons les progrès en matière de traitement des cancers des poumons, des mélanomes, des myélomes. C'est pourquoi les équipes de recherche, qui s'inscrivent dans une finalité médicale, attendent de notre loi qu'elle encadre et qu'elle accompagne ces nouvelles potentialités de recherche. Soumettre à simple déclaration les cellules souches embryonnaires quand la recherche sur l'embryon surnuméraire – ne faisant pas l'objet d'un projet parental – , avec consentement, reste soumise à autorisation, lever l'interdiction de créer des embryons transgéniques à des fins de recherche, ouvrant notamment la voie à la thérapie génique, c'est donner la possibilité à la recherche française de garder la toute première place au monde.

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, la loi fixe aussi des interdits pour éviter toute dérive : interdiction du clonage reproductif, interdiction de créer de novo un embryon à des fins de recherche, dans le respect de la convention d'Oviedo que nous avons signée.

Le confinement nous a également appris combien le numérique a conquis une place incontournable dans le domaine de la santé, ouvrant à une médecine prédictive, personnalisée, participative, préventive, où l'usage d'algorithmes nécessite informations et consentement libre et éclairé du patient. Il a aussi été, comme je l'ai rappelé, riche de solidarités, que l'on retrouve dans la loi qui fera évoluer positivement les dons d'organes et les dons du sang. À l'heure du vote, ayons aussi en tête l'avis no 102 du Comité consultatif national d'éthique – CCNE – qui nous rappelle : « Une société incapable de reconnaître la dignité et la souffrance de la personne, enfant, adolescent ou adulte, la plus vulnérable et la plus démunie, et qui la retranche de la collectivité en raison même de son extrême vulnérabilité, est une société qui perd son humanité. »

Aujourd'hui, l'éthique est mise au défi de la dimension internationale et de la mondialisation des pratiques ; réviser la loi tous les cinq ans, en lien avec l'accélération des connaissances, ne doit pas nous conduire à faire l'économie d'un débat futur sur l'intérêt d'une éthique européenne commune.

Voilà pourquoi, comme en première lecture, le groupe La République en marche votera en faveur du projet de loi bioéthique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.