Intervention de Nicolas Meizonnet

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Meizonnet :

Nous sommes le 27 juillet. En raison de la crise économique, nombre de nos compatriotes ont d'ores et déjà perdu leur entreprise, leur emploi ; d'autres vivent dans l'incertitude, dans l'angoisse. Et dans ce climat d'inquiétude généralisée, de quoi allons-nous débattre ? D'emploi ? De pouvoir d'achat ? De santé ? De sécurité ? Pensez-vous ! Non, plutôt qu'aborder ces sujets sans importance, il vaut mieux s'attarder sur ce que 1 % des Français jugent comme prioritaire dans pareilles circonstances : le projet de loi relatif à la bioéthique – votre obsession.

Votre entêtement et votre empressement à faire passer ce projet de loi font une fois encore la démonstration, si cela était nécessaire, de votre totale déconnexion des véritables préoccupations de nos concitoyens. Contrairement à ce que proclament certains d'entre vous, chers collègues, et quelques personnalités soutenues ici et là par des médias militants, la PMA dite pour toutes n'a évidemment rien d'urgent – d'autant que tout cela peine à faire consensus et n'est pas de nature à apaiser les esprits dans une société de plus en plus clivée.

Les questions philosophiques, morales, existentielles que soulève ce projet de loi auraient mérité, je le crois, que l'on prenne plus de temps pour y réfléchir, suivant un autre calendrier. Nous sommes bien d'accord qu'au-delà des progrès scientifiques, c'est tout un questionnement concernant l'éthique qui se pose à nous. La science, quant à elle, est dépourvue de toute morale : elle est au service de l'homme, qui est capable du pire comme du meilleur. Or ce que nous allons décider ici aujourd'hui déterminera la société de demain. C'est pourquoi j'ai l'intime conviction qu'il faut aborder ces sujets avec l'humilité et les précautions qui s'imposent, et non avec l'arrogance de ceux qui voudraient se prendre pour Dieu.

En ouvrant la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, nous prenons le risque de bouleverser de fond en comble non seulement le principe même d'assistance médicale à la procréation « à la française », mais aussi les droits de l'enfant tels qu'ils sont définis par la Convention internationale des droits de l'enfant.

Se pose en outre, bien sûr, la question de la filiation. Avec l'autorisation de la méthode ROPA, qui offre la possibilité d'un don d'ovocyte inséminé au sein d'un couple lesbien – une forme de GPA, donc – , on peut légitimement s'inquiéter de la destruction intégrale des relations de parenté, fondées jusqu'à présent sur l'engendrement, qui ancre la procréation des humains dans la nature. Les notions de père et de mère deviendront des mots vides de sens, des fictions juridiques. La ROPA, qui remet en cause le principe fondamental de l'anonymat du don, est bien l'antichambre de la GPA. Si le texte qui nous est présenté aujourd'hui est adopté, il provoquera inévitablement une rupture d'égalité avec les couples homosexuels hommes, rupture d'égalité qu'il conviendra de réparer au nom de la prétendue lutte contre les discriminations et du droit à l'enfant, affirmé au détriment du droit de l'enfant. Ainsi la GPA se retrouvera-t-elle dans le prochain projet de loi relatif à la bioéthique !

Lentement mais sûrement, j'ai le sentiment, chers collègues, que nous glissons vers le « meilleur des mondes » tel qu'il fut décrit par Huxley. Les désirs individuels de nature consumériste priment. L'enfant produit par la technique en fait partie. Puisque la science le permet, seuls ceux qui favoriseront l'accès à l'enfant pour tous seront placés dans le camp du bien, les autres dans celui des réactionnaires – dans le meilleur des cas.

La commission spéciale a en outre validé le principe de la création d'embryons transgéniques et celui de la création de chimères animal-homme. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain pourra désormais être autorisé, comme s'il portait sur une vulgaire souris. D'autre part, la création de chimères par insertion de cellules-souches humaines dans un embryon animal dans le but d'un transfert chez la femelle a été autorisée par la commission spéciale. Honnêtement, cela fait froid dans le dos !

Enfin, concernant le DPI-A, qui permet de sélectionner in vitro des embryons afin d'éliminer – disons-le – les enfants porteurs de handicap, je voudrais rappeler la mise en garde d'Agnès Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, contre les dérives eugéniques d'une telle mesure. Malgré cela, quelques mois plus tard, vous nous le servez de nouveau !

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