Le Conseil d'État a maintenu l'interdiction des manifestations excédant 5 000 personnes. Voilà la preuve qu'en pleine crise sanitaire, l'examen de ce projet de loi pose bien un problème de calendrier, contrairement à ce que vous affirmez. Au vu de l'opposition que suscite le texte – et que les États généraux de la bioéthique ont montrée – et de l'importance des manifestations comme expression de cette opposition, comment admettre que l'examen du projet de loi se poursuive sans que les Français puissent exercer leur droit de manifester ? Oui, le fait de programmer cet examen du 27 au 31 juillet pose un problème de calendrier.
« Il faut sécuriser la situation des enfants », nous dit-on. Mais elle l'est déjà ! Les enfants issus de GPA à l'étranger, au mépris de la loi de notre propre pays – n'est-il pas d'ailleurs interdit de transgresser nos lois ? – sont parfaitement sécurisés : ils ont un état civil américain ou autre, et c'est très bien.
Vous avancez ce prétexte pour, encore une fois, faciliter la vie des adultes, ce qui n'a rien à voir avec l'intérêt de l'enfant. Ce n'est jamais l'intérêt de l'enfant qui vous guide ! Quant à la ROPA, elle correspond bien à la fameuse GPA éthique que certains ministres et autres membres de la majorité appellent de leurs voeux : il s'agit de permettre à une femme de porter un enfant pour une autre personne, par amour, sans contrat financier. Nous y sommes donc ! Une soeur, dans ces mêmes conditions, par souci d'égalité, pourra porter un enfant pour son frère. Ceci ne figurait pas dans le programme Emmanuel Macron : mensonges et trahison !
Il n'y a aucune égalité des droits à défendre, et les juristes le savent : ce n'est pas le droit qui refuse un enfant à ces femmes, ce sont les limites humaines. Le Conseil d'État a clairement tranché en ce sens : les situations différentes justifient un traitement différent. Vous le savez très bien ! Vous dépassez les limites humaines. Ne vous étonnez pas, alors, si vous créez une société où tout est permis.
Vous introduisez également une inégalité entre enfants – entre ceux qui auront un père et ceux qui n'en auront pas, entre ceux qui grandiront avec une altérité et ceux qui en seront privés. Les juristes ont tous entendu, en cour d'assises, des experts psychiatres souligner l'absence de père ou la carence d'image paternelle. Ces témoignages, je les ai entendus maintes fois dans les écoles au cours de ma carrière d'enseignante, relatés par des psychologues et des éducateurs : toutes les situations dans lesquelles les pères brillent par leur absence sont des situations compliquées.
« La PMA pour toutes ne retirera rien à personne », nous dit-on. Excusez-moi, mais elle retire un père à un enfant ! On m'opposera que cet enfant n'aurait de toute façon pas eu de père, mais sachez que l'enfant s'adapte à tout, quoi qu'on lui fasse, dès lors qu'il vit. Le problème n'est pas là. Le problème, c'est que vous promouvez une idéologie que nous ne partageons pas.
Même si cela ne vous plaît pas, je le répète : il existe des femmes et des mères maltraitantes. Alors, lorsque vous invoquez la toute-puissance de la mère, qui aurait le monopole de l'amour, vous êtes vraiment hors sol. J'ai connu ce type de situations durant toute ma carrière – dans les cours d'assises aussi, on les connaît. Vous ne pouvez pas vous contenter de dérouler vos arguments sur l'amour, dont les mères auraient le monopole, et de répéter que les enfants naîtront par amour, parce que l'amour ne dure pas et peut même parfois tourner au pire.
Le problème vient de ce que vous considérez le père comme une fonction, susceptible d'être assumée par n'importe qui. Nous considérons, pour notre part, que le père est un homme. Votre conception du père comme pouvant être n'importe quelle personne – femme, oncle, grand-mère – relève d'une idéologie qui ne figurait pas non plus dans le programme présidentiel.
Personne pendant la campagne n'a défendu l'idéologie selon laquelle le père n'est pas un homme, sinon peut-être Emmanuel Macron n'aurait-il pas été élu, croyez-moi ! Et parlons-en, du programme présidentiel : vous y annonciez la création de 15 000 places de prison supplémentaires. Comme quoi, on peut s'asseoir sur son programme et ne pas faire ce que l'on a promis, même si vous vous targuez toujours du contraire !
Je persiste à dire que Mme Buzyn, qui n'est plus ministre, était beaucoup plus humble que ceux qui lui ont succédé dans l'hémicycle. Ce texte, je le répète, c'est souffrance contre souffrance. Au moins Mme Buzyn l'acceptait-elle : elle n'a jamais affublé les opposants de noms d'oiseaux. Elle ne les a jamais qualifiés d'homophobes – contrairement aux membres de votre majorité. Je rappelle à tous ceux qui l'ont fait sur les ondes ou par voie de presse qu'imputer à quiconque un délit pour lequel il n'a jamais été condamné et qui porte atteinte à sa considération et à son honneur constitue une diffamation, aux termes de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881.
Derrière vos mots, il y a des personnes et des familles qui souffrent. Ma famille a entendu des mots qui n'auraient jamais dû être prononcés à mon endroit, à cause des membres de la majorité qui siègent sur ces bancs – même s'ils ont tous déserté l'hémicycle à cette heure. Oui, il y a des souffrances des deux côtés.
Enfin, je ne veux pas vous laisser le monopole des blessures. Vous niez la souffrance de ceux qui ont souffert de l'absence d'un père. Ce n'est pas possible : ces personnes existent, j'en ai connu tout au long de ma vie. Vous prétendez, en promouvant ce texte et votre modèle de projet parental, que le fait de ne pas avoir de père laisse indifférent. C'est faux ! Vous prétendez que ce n'est pas grave, qu'on grandit très bien sans père. Mais c'est faux ! Vous blessez tous ceux qui ont grandi sans leur père et regrettent encore son absence, et vous ne vous en rendez pas compte ! Vous ne parlez que d'une souffrance et jamais de l'autre. Vous oubliez les milliers de personnes qui ont souffert de cette absence, comme vous oubliez celles qui ont souffert de la maltraitance de leur mère et qui, heureusement, avaient leur père ! Jamais vous ne parlez de ceux-là : vous ne pensez qu'à vous, à votre souffrance, à vos blessures. Pensez qu'il en existe d'autres.
Je persiste à dire que votre loi oppose les souffrances. Mme Buzyn l'avait admis. M. Véran ne le reconnaît absolument pas, pas plus que les membres de la majorité ici présents. Vous niez, hélas, cette réalité, et vous faites souffrir tous les autres. Vous avez choisi d'apaiser une souffrance en en ignorant une autre. Voilà la vérité. Là s'arrête votre tolérance : vous n'acceptez pas la souffrance des autres, qui existe pourtant. Vous prétendez avoir le monopole de l'amour, alors que cette loi ne garantit en rien – en rien ! – que l'enfant grandira dans l'amour.