Intervention de Coralie Dubost

Séance en hémicycle du jeudi 30 juillet 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale :

C'est un de mes combats depuis le début de l'examen du projet de loi : en tant que rapporteure, il m'a toujours paru très délicat d'annoncer la création d'un droit personnel fondamental au bénéfice des enfants, à savoir l'accès aux origines, tout en réservant l'application de ce droit à l'avenir. Cela revient à nier les droits de tous ceux qui, nés par AMP il y a quarante ou cinquante ans, pourraient y avoir recours dès aujourd'hui. Or ils se posent déjà des questions, au point qu'elles ont donné lieu à ce texte.

En 2011, cette disposition avait été adoptée par le Sénat, puis retirée ; cette fois-ci, il est proposé de contacter les anciens donneurs au cas par cas. Il ne s'agit pas d'un rappel systématique, seulement lorsqu'un enfant issu de don avec tiers donneur en fait la demande. La démarche serait comparable à celle suivie par le CNAOP qui, quand un enfant né dans le secret pose la question de ses origines, mène la recherche en toute discrétion.

Dans le cas des personnes majeures issues d'une AMP avec tiers donneur, soit ce dernier répond : « Non, j'ai donné sous le régime de l'anonymat et je n'ai pas envie de faire connaître quoi que ce soit sur moi, ni mon identité, ni les données non identifiantes », et la personne saura que, même si le donneur a refusé de communiquer ses informations, l'État a pris sa part de responsabilité ; soit le donneur accepte de révéler des données non identifiantes, voire son identité, et celles-ci seront transmises au demandeur.

J'y tiens beaucoup, car la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant le droit d'accès aux données personnelles, comme celle de la Cour européenne des droits de l'homme, fait état de l'« intérêt vital » de la personne qui se construit dans son récit identitaire, qui est le droit au respect de la vie privée et à la détermination de son identité ; c'est une faculté d'autonomie, c'est une liberté personnelle. Si, chaque fois que l'on a créé des droits fondamentaux dans l'histoire, on avait dit que la dignité humaine, la fin de l'esclavage ou la fin des traitements inhumains et dégradants valaient pour l'avenir sans les appliquer au passé, sous prétexte que les gens n'étaient pas en mesure d'en comprendre les enjeux, nous n'aurions pas fait progresser l'humanité. Je pense au contraire que, quand on crée un droit important, fondamental à l'intégrité d'une personne humaine, il faut aller jusqu'au bout et pousser l'État à assumer ses responsabilités.

Dans le cas présent, il faut permettre aux enfants de poser la question, sans imposer aux donneurs de l'ancien régime de répondre – il n'en est certainement pas question, ce serait une effraction – afin de pouvoir dire à ces enfants, devenus adultes : « Nous nous soucions de vous, nous savons ce que vous vivez ; nous essayons de vous faire bénéficier de ce droit et, même si cela ne dépend pas entièrement de nous, nous assumons notre part de responsabilité. » Voilà ma demande, monsieur le secrétaire d'État : que l'État fasse sa part en apportant des éléments de réponse à l'enfant, tout en respectant la volonté du donneur.

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