La proposition de M. Millienne correspond à celle du Sénat, que nous avons conservée en deuxième lecture parce qu'elle semble la plus raisonnable et la plus équilibrée. En effet, elle ne prévoit pas le rappel systématique des anciens donneurs, mais elle ne permet pas non plus à l'État de se défausser de ses responsabilités si un enfant pose la question.
Cette solution de compromis n'impose aucun systématisme, puisque le donneur ne serait contacté qu'à la demande de l'enfant. Elle laisse la liberté au donneur de conserver l'anonymat, et respecte donc la parole donnée par l'État à l'époque.
J'ai l'impression que nous sommes en train de nous cacher derrière notre petit doigt. En quoi la parole donnée serait-elle trahie par le fait d'interroger le donneur ? S'il accepte de donner les informations, tant mieux. S'il s'y refuse, tant pis, mais au moins aurons-nous essayé de répondre à ces enfants.
Pardonnez-moi de vous le rappeler, mais dans l'histoire du droit, à chaque fois que des droits ont été créés au bénéfice des enfants, ils l'ont été rétroactivement. Prenez le cas de la filiation, dont nous débattrons tout à l'heure. Le jour où le législateur a décidé, en France, de ne plus distinguer entre les enfants légitimes, naturels et adultérins, il ne l'a pas fait que pour l'avenir, en abandonnant à leur sort ceux qui, parce que nés adultérins avant la promulgation de la loi, pouvaient être délaissés par leur père, qui n'avait pas à leur transmettre son héritage ! Imaginez-vous les législateurs de l'époque faire ce choix ?
Nous nous apprêtons à faire progresser la législation en ouvrant un nouveau droit aux enfants. Devrions-nous en avoir honte ? Devrions-nous être gênés d'expliquer aux anciens donneurs que la société a mûri, qu'il n'est pas honteux d'être né par AMP avec tiers donneur, que le don est un acte généreux, que la loi a changé et permet désormais aux futurs donneurs de transmettre des données non identifiantes et des données identifiantes ? Devrions-nous hésiter à leur demander s'ils souhaitent basculer sous ce nouveau régime parce qu'un enfant cherche à connaître ses origines, en leur expliquant qu'ils peuvent refuser, mais que leur acceptation, s'ils veulent bien participer à ce changement culturel, sera bienvenue ?
Nous le devons aux enfants. Chaque fois qu'ils ont ouvert de nouveaux droits pour les enfants, nos prédécesseurs l'ont fait pour tous les enfants de France, et pas seulement pour ceux de l'avenir. J'aimerais que l'on apporte une réponse à tous les enfants de France.