Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

La crise que nous commençons à vivre a eu pour déclencheur celle, sanitaire, du covid-19, mais elle ne s'y résume pas : elle sera globale, ample, longue et nous amènera à des adaptations voire à des transformations lourdes. La société française a déjà fait preuve de sa capacité à s'adapter ; gageons qu'elle y parviendra à nouveau.

Mais ce sera impossible si les contraintes financières sont trop intenses. En aidant massivement, en indemnisant, en payant, en finançant, le Gouvernement a, de fait, alourdi la dette. Or, il n'est envisageable de contracter de nouvelles dettes que si elles sont maîtrisables et si les perspectives de remboursement sont raisonnables.

Les équilibres financiers sont bousculés et celui de la sécurité sociale sera affecté tant en recettes qu'en dépenses. Comme l'a indiqué le Gouvernement, les déficits prévisionnels pour la seule année 2020 approcheront les 52 milliards d'euros, montant jamais atteint même au plus fort des conséquences de la crise de 2008.

Un nouveau transfert de la dette de la sécurité sociale à la CADES est donc apparu comme la solution la plus évidente, afin de pouvoir l'amortir. Ainsi, les textes que nous examinons aujourd'hui visent à permettre la couverture par cet organisme des déficits accumulés par les régimes de base de la sécurité sociale.

Ce transfert soulagera la trésorerie de l'ACOSS et, surtout, permettra à notre pays de respecter la doctrine selon laquelle la dette sociale doit être amortie, pour ne pas faire peser le poids des prestations d'aujourd'hui sur nos enfants.

La dette doit impérativement disparaître grâce à un amortissement progressif, quitte à ce que les circonstances conduisent à en repousser la date.

On le voit, s'il est logique que les contributions versées auprès de la sécurité sociale financent les prestations sans en reporter le poids sur le futur, respecter cette règle est ardu. Ainsi, et cela ne réjouit personne, la date de l'amortissement de la dette est repoussée, mais la volonté d'y parvenir est maintenue et nous instaurons aujourd'hui des mesures dans ce but.

Certains de mes collègues parlementaires ont exprimé le souhait de voir établie dans le projet de loi organique une règle d'or, pour contraindre un peu plus la gestion de cette dette.

Si nous, députés du groupe Agir ensemble, sommes favorables à l'idée de tendre vers une règle d'or, nous estimons cependant que cette initiative est prématurée, notamment au regard de l'urgence de l'examen de ce texte, et par ailleurs trop isolée, en l'absence d'un cadre plus global de réforme des modalités d'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il nous semble préférable d'engager une réflexion plus approfondie, notamment en prenant en considération les évolutions à venir dans les prochains PLFSS, qui intégreront ce cinquième risque.

Une gestion rigoureuse de la dette sociale est d'autant plus nécessaire que s'annonce le défi du grand âge et de l'autonomie. Notre pays sera confronté dans les années à venir à un événement sans précédent : un nombre croissant d'assurés devra être protégé, et des solutions transversales imaginées.

C'est le travail parlementaire qui a permis de faire aboutir la réflexion sur le cinquième risque. En effet, la commission spéciale, à l'initiative du rapporteur, auquel je rends hommage, a entendu aller au bout de ses responsabilités en prenant fermement position en faveur de la création d'une cinquième branche, celle de l'autonomie.

Bien sûr, ce risque était déjà pris en charge par la solidarité nationale à travers l'APA et la PCH, mais cette définition d'un cinquième risque permettra de bien distinguer une cinquième branche complétant les quatre branches historiques du régime général.

Sans aucun doute, il s'agira lors de l'examen du PLFSS pour 2021 d'être vigilant sur les recettes affectées à cette branche, afin d'octroyer les moyens de satisfaire cette ambition, mais cette première marche d'un escalier à bâtir collectivement réjouit tous les acteurs du secteur.

Ne nous y trompons pas, les ambitions affichées resteront vaines si les moyens nécessaires ne sont pas affectés très rapidement : c'est important, et urgent. De même, il faudra être attentif à la gouvernance de cette branche en maintenant un équilibre entre la CNSA et les départements, qui travaillent déjà bien ensemble sur ces sujets.

Il conviendra aussi, pour ce cinquième risque, de décloisonner les approches. En effet, le système de santé français s'appuie sur des structures multiples : sanitaires pour la prise en charge hospitalière ; médico-sociales et sociales pour des publics dits fragiles – les personnes âgées ou handicapées par exemple – ; ambulatoires pour les soins dits de ville.

Si cette organisation est plutôt efficace et si nous reconnaissons tous que les professionnels exercent de façon remarquable, les pouvoirs publics incitent depuis plusieurs années à l'instauration d'une « médecine de parcours », à même d'améliorer la prise en charge des patients et des résidents dans tout le territoire et de décloisonner les secteurs.

L'objectif essentiel de cette démarche est de prévenir, de soigner et d'accompagner de manière globale et continue les patients et les résidents, au plus près de chez eux. La prise de conscience en la matière est donc bien réelle.

Pour autant, les faits sont têtus et il reste beaucoup à faire dans la prise en charge globale et décloisonnée des personnes, afin d'orienter notre système vers le « prendre soin ». Cette notion repose sur la volonté de traiter une personne plutôt qu'un malade, et implique de penser la relation à tout individu nécessitant un soin ou un accompagnement avec empathie, en tenant compte de son contexte social et professionnel, dans la proximité et avec bienveillance – terme fort utilisé de nos jours, mais qui nomme bien l'humanité que demande le soin.

Saisissons l'occasion de la création de cette cinquième branche pour agir avec efficacité et remettre l'humain au coeur des dispositifs. C'est bien le sens qu'il faudra donner à l'application de la loi relative à l'organisation et la transformation du système de santé, dite loi « ma santé 2022 », à la future loi sur le grand âge et l'autonomie et à la refonte, tant attendue, de notre système de santé. Ce doivent être autant d'opportunités de prendre soin des français. Agissons !

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