Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

Les deux projets de loi que vous nous proposez d'adopter aujourd'hui constituent une nouvelle fuite en avant sur la dette de la sécurité sociale et la politique d'accompagnement de la perte d'autonomie.

Fuite en avant, parce que vous choisissez de transférer à la sécurité sociale les dettes contractées par l'État. Vous nous direz demain qu'il faut réduire les dépenses sociales, parce que la dette sociale est insoutenable : mais, madame la ministre déléguée, la dette sociale est à 100 % la dette de l'État. La réalité, c'est que la dette sociale, la vraie, n'existe plus. Elle a été éteinte grâce aux efforts des hôpitaux et aux sacrifices des soignants. Il n'y a plus à proprement parler de déséquilibre structurel dans le régime général de la sécurité sociale. Ce qui constitue la dette sociale actuelle, c'est en réalité la deuxième caisse de l'État, celle où le Gouvernement décide de stocker la dette qu'il ne veut pas assumer.

Fuite en avant, car, pour rembourser la dette de l'État transmise injustement à la sécurité sociale, vous décidez, dans ces deux projets de loi, de transférer à la CADES 136 milliards d'euros de dette sur neuf ans. Ce choix a été très largement contesté par de nombreux économistes, ainsi que par le Haut Conseil du financement de la protection sociale. La nature particulière de cette dette, due à la crise du covid-19, commandait de la traiter d'une façon particulière et de la placer dans le giron de l'État. Cette solution présentait bien des avantages, car l'État emprunte à des conditions nettement plus favorables que les agences sociales. Le deuxième avantage tient à la nature même des dettes concernées et aux conséquences qui en découlent. Depuis 1996, la dette de la sécurité sociale a fait l'objet d'un amortissement, donc d'un remboursement intégral, intérêts et capital compris : l'annuité de la dette doit donc tendre vers zéro en matière sociale. Or la dette de l'État, elle, est gérée à long terme : l'État ne supporte que les intérêts et réemprunte continûment et indéfiniment le principal, ce qui s'appelle « faire rouler la dette ».

Fuite en avant, car votre choix de faire supporter à la sécurité sociale les dettes contractées par l'État risque vraisemblablement de grever les marges de manoeuvre de la dépense sociale et d'entraîner à terme de nouvelles mesures d'austérité budgétaire en matière de sécurité sociale. En outre, cette décision d'affaiblir la sécurité sociale interroge alors que nous sommes encore en pleine crise sanitaire. Un rebond de l'épidémie n'est pas à écarter, et nous aurons besoin d'un hôpital public solide, prêt à affronter la pire crise sanitaire que le pays ait connue depuis la grippe espagnole de 1918.

Fuite en avant, car le coût annuel de la dette liée au covid-19 serait de 1,5 milliard d'euros, ce qui correspond aux intérêts, s'il avait été supporté par l'État. Or le transfert de cette dette à la CADES prive la politique sociale de la nation d'une dizaine de milliards d'euros. Ces sommes auraient pu être investies dans l'hôpital public, les EHPAD et l'accompagnement des personnes âgées perdant leur autonomie. Vous choisissez de faire payer la dette à ceux que nous avons applaudis tous les soirs à vingt heures.

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