Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Il y a environ un an, ici-même, j'évoquais, à propos de la loi de règlement, une étonnante continuité dans la pratique du pouvoir, malgré les gouvernements successifs – ce fameux jour sans fin où les majorités passent, les visages changent, mais où une politique demeure : celle de l'austérité et de la baisse des dépenses publiques. Hélas, l'exercice budgétaire 2019, qui nous préoccupe pour la troisième fois, ne déroge pas à la règle.

Depuis 2017, les dépenses publiques ont reculé de 78 milliards d'euros, et les collectivités territoriales ont vu leurs marges de manoeuvre budgétaires drastiquement limitées, au travers notamment des contrats de maîtrise. Pourtant, cette folle logique n'aura même pas permis d'assainir les comptes de la nation. La raison en est simple : la multiplication des cadeaux fiscaux et des niches fiscales, ainsi que, globalement, une politique fiscale outrageusement favorable aux plus grosses entreprises. Résultat : les recettes de l'État ne cessent d'être affaiblies, provoquant une hausse de 92 milliards d'euros de notre déficit public pour l'année 2019.

Certes, votre budget est sincère, mais il est économiquement erroné, en plus d'être politiquement décalé, voire dépassé, car il a été décidé alors que nous connaissions plusieurs crises exceptionnelles tant par leur durée que par leur ampleur. En janvier 2019, la protestation des gilets jaunes se poursuivait, relayée et amplifiée par celle des syndicats contre la réforme des retraites. Ces protestations auraient dû dicter un changement radical de trajectoire. Il n'en fut rien. Seule la crise du covid-19 vous contraint à prendre des mesures d'exception, qui auront des conséquences lourdes et durables sur nos économies.

Monsieur le ministre, chers collègues, ne voyez-vous pas que toutes ces crises, si diverses soient-elles, soulignent une même banqueroute : celle d'un modèle socio-économique vieillissant, hérité des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix et fondé sur le démantèlement de nos services publics, l'aggravation des logiques de compétition et de rapine, l'exaltation d'une réussite individuelle poussée à son paroxysme ? N'entendez-vous pas que les mouvements sociaux témoignent d'une aspiration inverse, réclamant plus d'égalité et de justice ?

La crise du covid-19 ne vous dessille-t-elle pas les yeux face à l'importance de services publics de proximité, de solidarités concrètes et actives, et d'une sécurité sociale protectrice ? N'a-t-elle pas mis en lumière l'importance de la commune et, plus largement, des collectivités territoriales, qui ont pu, vaille que vaille, secourir, assister et accompagner nos concitoyens au plus fort de la crise ? En 2019, ces collectivités ont encore été fragilisées par la suppression de la taxe d'habitation. Depuis 2014, la baisse cumulée de la dotation globale de fonctionnement représente près de 50 millions d'euros.

Comment pouvez-vous donc vous féliciter d'un tel budget ? Le groupe de La France insoumise ne le peut pas, que ce soit en première lecture, en nouvelle lecture ou en lecture définitive.

Pour toutes les raisons évoquées précédemment, nous voterons contre le projet de loi de règlement, convaincus que seule une rupture franche avec l'orthodoxie libérale aurait été de nature à mieux préparer notre pays non seulement à la crise présente, mais à celle qui viendra inéluctablement.

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