Le vote de ce projet de loi de finances rectificative, troisième du nom, me permet de dresser un premier bilan des PLFR successifs et des plans de relance annoncés.
À vrai dire, cela devient difficile car chaque jour apporte son lot de milliards d'euros, prétendument nouveaux, promis par tel ou tel ministre. Emmanuel Macron sauve ainsi tour à tour la santé, le rail, la jeunesse et même l'Europe. Je dis « prétendument », car la seule constante de ces plans est l'art de la propagande. On additionne en réalité des carottes et des navets, parfois amers : subventions réelles côtoient exonérations fiscales ou sociales, redéploiements, prêts garantis, promesses sur plusieurs années, sommes figurant déjà dans des plans précédents. Dans les faits, personne n'est capable de dire ce qu'est vraiment, ce que sera cet argent.
Prenons l'exemple des 100 milliards d'euros annoncés pour le plan de relance : si vous en avez fait l'exercice d'en chercher la composition dans la presse, vous aurez constaté que cela varie d'un article à l'autre, tant le flou règne. On ne sait même pas si une partie de cette somme ne relève pas des deux premières LFR. Il semble ainsi que ces 100 milliards incluent les 38 milliards des dispositifs de chômage partiel, certes indispensables mais qui constituent une mesure de préservation, en aucun cas de relance économique. En outre, sur ces 38 milliards, une trentaine a déjà infusé grâce aux précédentes lois de finances rectificatives.
Les exonérations que vous promettez ne sont pas des cadeaux tombés du ciel : elles ont un coût pour la collectivité. Moins de cotisations, moins d'impôts, cela fait moins de recettes. Vous annoncez 10 milliards de baisse de produit des impôts de production, alors que la principale cause du déficit engendré par la crise est la perte de recettes fiscales, d'ores et déjà estimée à 135 milliards d'euros. C'est donc l'inverse de ce dont nous aurions besoin pour sortir de la crise. Vous recourez aux exonérations de cotisations sociales, ce qui va alourdir la dette sociale. Si l'État compense à l'euro près ces baisses de cotisation, cela lui coûtera bien plus cher que de s'endetter directement, comme l'a montré l'économiste Michaël Zemmour ; et s'il ne le fait pas, cela mettra en péril les mécanismes de solidarité.
On aurait très bien pu créer des aides ciblées pour les entreprises que la crise met en difficulté et les soumettre à des conditions d'ordre écologique et social : ne pas licencier, par exemple, ou encore ne pas utiliser cet argent pour verser des dividendes. En dix ans, je vous le rappelle, les dividendes du CAC 40 ont augmenté de 70 %, contre 12 % pour le SMIC. Vous demandez aux financiers de modérer le versement de dividendes, alors que ceux-ci sont à leurs yeux leur seul critère de bonne santé économique : je trouve la plaisanterie assez cynique…
Au fond, vous appliquez et vous revendiquez toujours les mêmes recettes : celles de la politique de l'offre. C'est de cette façon que vous comptez lutter contre les délocalisations. Pendant la crise, vous parliez « État providence », « nationalisations », « protectionnisme ». En réalité, vous voulez lutter avec les armes mêmes qui ont fragilisé nos économies : des cadeaux toujours plus somptueux au capital, des baisses d'impôts, la baisse du prix du travail. Aux générations à venir, vous proposez de mourir compétitives, car cette politique s'est soldée depuis trente ans par un saccage social et écologique.
En lieu et place d'amendements de conditionnalité écologique, un amendement fantoche fait mine de soumettre les aides à des conditions écologiques, alors que la disposition qu'il contient figurait déjà dans le projet de loi, qu'elle ne concerne qu'une seule des très nombreuses aides et que les conditions retenues ne sont pas contraignantes : ne pas les respecter n'entraînera aucune sanction !