Intervention de Émilie Cariou

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Cariou :

Nous abordons la lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2020, troisième du nom. J'évoquerai nos déceptions, un peu trop nombreuses, nos satisfactions, rares mais réelles, et notre responsabilité.

Les occasions de déception, tout d'abord, sont nombreuses dans le texte qui nous est revenu du Sénat, par la navette parlementaire, puis de la commission mixte paritaire.

S'agissant de l'écoconditionnalité des aides destinées à soutenir notre économie, le Sénat avait formulé quelques propositions utiles, quoique timorées : elles ont néanmoins été balayées d'un revers de main lors de la CMP, comme l'avaient été, en première lecture, nos sous-amendements portant sur ce sujet. Au mieux peut-on noter de tout petits pas en matière de gouvernance de nos aides pour verdir notre politique de soutien ; encore peut-on craindre qu'ils ne décrivent un cercle pour revenir au point de départ…

Autre déception, dans le domaine social. Nous entrons dans une période de crise économique, durant laquelle il restera probablement un peu d'emploi, mais de mauvaise qualité. Or vous renoncez à une taxe sur les CDD d'usage créée il y a six mois : le moins-disant social semble prévaloir. Le groupe Écologie démocratie solidarité ne peut que regretter cet abandon en rase campagne concernant les incitations fiscales pour donner aux actifs des contrats de travail pérennes, d'autant que ces dispositions avaient été adoptées à l'unanimité par le groupe majoritaire, que je représentais alors.

Toutefois, énumérer nos déceptions n'implique pas de passer sous silence nos satisfactions, qu'il convient de reconnaître. Les mesures d'aide en faveur des entreprises, insuffisamment orientées vers la transition écologique, n'en sont pas moins relativement équilibrées, et elles n'oublient pas les PME. Il convient également de se réjouir des mesures de crédit, des mesures de soutien social aux étudiants – comme les repas à 1 euro dès la rentrée – , des dispositifs destinés à financer l'apprentissage et l'insertion. Concernant la jeunesse, notre groupe avait des ambitions plus vastes, notamment un renforcement bien plus substantiel de la garantie jeunes. Notre devoir d'honnêteté nous impose toutefois de dire que certaines choses sont nettement instaurées, ce dont nous remercions le Gouvernement. En période de crise, notre groupe rappelle son sens des responsabilités : nous voterons en faveur de ce texte.

Je relèverai une dernière source de satisfaction, qui, j'espère, n'est pas relative. Comme le souhaitaient les députés du groupe Les Républicains, le Sénat avait procédé à la suppression sèche de la contribution spéciale de solidarité des sociétés, la C3S, sabrant ainsi près de 4 milliards d'euros consacrés à la protection sociale de nos retraités. Je veux faire preuve d'optimisme en y voyant l'amorce, de la part de la majorité, d'une vraie réflexion sur l'utilité des impôts de production.

La C3S, prélèvement obligatoire pas très fin sur le chiffre d'affaires, ayant des effets anti-économiques, demeure néanmoins un impôt minimal pour nombre de grandes entreprises internationales établies en France, qui échappent pour tout ou partie à l'imposition de leurs bénéfices. J'espère que, pour tous les impôts dits « de production », nous parviendrons rapidement à conserver, quoi qu'il advienne, un sens de la précision et de la justice fiscale. On ne peut les réformer sans vision d'ensemble, sans impôt minimal effectif. Je sais qu'au MODEM, notamment, cette idée est ancienne et très vive. Je sais que, sur tous les bancs, l'idée d'un impôt plancher sur l'activité des entreprises, assurant la justice fiscale, fait son chemin, de même qu'elle parle à nos concitoyens. La fiscalité américaine l'a du reste déjà concrétisée.

Soyons très vigilants : la relance mal affinée par la baisse de la fiscalité peut aboutir à des trous noirs fiscaux, des vrais, ceux qui n'engloutissent pas quelques millions, mais des milliards d'euros, empêchant le financement de nos services publics et sapant l'idée, si essentielle à la République, que chaque citoyen ou acteur économique, au nom de l'égalité, doit verser un minimum contributif, en fonction de ses facultés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.