Beaucoup d'arguments ont déjà été avancés pour justifier l'inquiétude qui s'est manifestée dans une partie de la communauté universitaire quant au fait que cette nouvelle voie de recrutement par des chaires de professeur junior pourrait remplacer une partie significative des recrutements par la voie classique. J'y ajoute un autre argument, celui de la localité, qui explique que ce dispositif soit considéré avec une méfiance particulière dans certaines disciplines, très attachées à l'idée que le changement de grade – de thésard à maître de conférences, de maître de conférences à professeur – implique le changement d'établissement. La discipline mathématique y est peut-être plus sensible que toute autre. Ainsi, j'ai fait les comptes récemment avec mes collègues : 5 % seulement des professeurs de mathématiques du supérieur ont fait toute leur carrière dans un seul établissement, 5 % sont revenus en tant que professeurs dans l'établissement où ils avaient fait leur thèse, et tous les autres ont pratiqué la mobilité. Or ces nouvelles chaires apporteront par définition une stabilité dans la localisation et diminueront le brassage entre établissements.
Par ailleurs, en dépit de ce que le Gouvernement m'a déjà répondu, il n'est pas clair pour moi que ce nouveau dispositif permettra des types de recrutements croisés tels qu'on en voit aujourd'hui – par exemple, un début de carrière au CNRS, la suite à l'université.
Pour toutes ces raisons, mais aussi afin de rassurer la communauté tout autant que pour éviter un bouleversement trop important, je me joins aux voix des collègues et à celle de la CPU, la conférence des présidents d'université, qui, dans son audition, a exprimé le souhait que la proportion soit ramenée à 15 %.