Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 1er octobre 2020 à 15h00
Convention fiscale avec le botswana — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

La lutte contre l'évasion et la fraude fiscales doit être au centre de nos préoccupations politiques, tant cette question est primordiale pour la justice fiscale et sociale, mais aussi pour nos finances publiques. C'est la raison pour laquelle, même si je ne fais pas partie de la commission des affaires étrangères mais de celle des finances, je suis particulièrement attentif au texte qui nous est présenté.

Ce projet de modification de la convention fiscale liant la France et le Bostwana devrait permettre de faciliter l'échange de renseignements fiscaux entre nos deux pays, ce qui semble a priori positif. Je constate que ce pays était jusque-là classé parmi les États dits non coopératifs, c'est-à-dire considérés par la France comme des paradis fiscaux. À en croire les documents qui nous ont été fournis, cette classification résultait en fait de l'incapacité de ce pays à se conformer aux standards internationaux les plus récents en matière d'échanges de renseignements. Cependant aucune demande française de renseignement n'était à ce jour restée sans réponse et les rapports parlementaires indiquent qu'il n'y a pas de concurrence fiscale entre nos deux pays. Autrement dit, le Bostwana ne présente pas un moins-disant fiscal tel qu'il serait susceptible d'attirer beaucoup de nos concitoyens voulant échapper à l'impôt. C'est certainement une des raisons pour lesquelles seuls une soixantaine de ressortissants français y résident.

Le débat parlementaire permet cependant d'entendre d'autres arguments et Jean-Paul Lecoq et Christian Hutin nous ont appris que certains liens commerciaux ont tout à gagner à la perpétuation de zones grises et d'une fiscalité qu'on pourrait rapprocher de celle d'un paradis fiscal : Jean-Paul Lecoq a notamment évoqué l'intérêt qu'une entreprise comme Total y trouverait. Ces arguments m'ont conduit à réviser mon jugement sur ce sujet et c'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai sur ce texte.

Cela dit, il est difficile de ne pas juger surréalistes nos discussions du jour au regard du déni total qui persiste concernant les véritables paradis fiscaux que compte l'Union européenne. Alors que depuis huit ans notre pays traite le Bostwana comme un paradis fiscal – ce qu'il est peut-être pour certaines entreprises qui y ont tout intérêt – pour des questions à vous en croire de délais administratifs, rien n'est fait contre les pays européens aux normes fiscales purement et simplement malhonnêtes, qui continuent à être protégés et exclus de la liste des paradis fiscaux. Il y a là deux poids et deux mesures, à l'avantage des Pays-Bas, de l'Irlande, du Luxembourg. Pour se limiter à ce dernier État, ce n'est pas soixante Français qui sont concernés mais plus de 50 000 ressortissants et une centaine d'entreprises.

Pour chacun de ces pays, les enjeux d'évasion et de fraudes fiscales sont de notoriété publique considérablement plus importants. La véritable question que nous devrions nous poser aujourd'hui est la suivante : au-delà de ce genre de projet de loi, dont la portée, même si elle n'est pas que technique, est incommensurable avec ce qui se passe vis-à-vis des paradis fiscaux européens, que fait la France pour mettre fin aux sources majeures d'évasion et de fraudes fiscales que sont les véritables inégalités de fiscalité entre pays européens ? Si nous agissions dans cet objectif, cela nous permettrait aussi d'être plus clair à l'égard de pays tels que le Bostwana.

Vous comprendrez donc que mon avis est mitigé et que nous nous abstiendrons sur ce texte.

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