Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Séance en hémicycle du mardi 6 octobre 2020 à 15h00
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau :

Nos débats passionnés et passionnants ont témoigné de la dimension symbolique que revêt la problématique des néonicotinoïdes. Cette question se trouve en effet à la croisée de deux grands objectifs que nous partageons toutes et tous au sein de la majorité présidentielle. Il s'agit, d'une part, de la préservation de notre souveraineté alimentaire nationale et européenne ; la crise sanitaire que nous traversons depuis de nombreux mois conforte cette nécessité et a permis de faire la lumière sur la résilience de notre agriculture. Et il s'agit, d'autre part, de la transition agro-écologique, nécessaire et même indispensable pour l'agriculture de notre pays.

Sans revenir sur nos longs débats, je souhaite rappeler que ce projet de loi ne constitue pas une réautorisation pure et simple des néonicotinoïdes, mais une réponse pragmatique à la situation catastrophique dans laquelle se trouve la filière de la betterave sucrière française depuis de nombreux mois. Elle doit faire face à la prolifération du virus de la jaunisse et se situe dans une impasse technique monumentale depuis l'interdiction des néonicotinoïdes en 2018. C'est un fait : face à un hiver doux, puis à un printemps tempéré, les betteraviers n'ont pas réussi à endiguer cette maladie avec les produits de substitution dont ils disposaient et qui sont d'ailleurs, par de nombreux aspects, plus dangereux que les néonicotinoïdes, car leur pulvérisation a détruit toute vie sur un certain nombre de parcelles.

Cette filière qui emploie environ 40 000 personnes, qui regroupe cultures et sucreries, agriculteurs et industriels, cette filière qui produit l'alcool utilisé par notre parfumerie – l'une des plus reconnues au monde – et qui, au début de la crise actuelle, s'est ainsi mise à fabriquer en masse des gels hydroalcooliques, cette filière se trouve dans une situation catastrophique. Si nous ne faisons rien, elle est condamnée à disparaître : face aux aléas climatiques, et à défaut d'autre solution, nos agriculteurs décideront de planter autre chose que de la betterave. Les indemniser n'est pas la question. Un agriculteur ne se lève pas le matin pour savoir quelles subventions il va toucher à la fin du mois, mais avec l'espoir, que nous devons nourrir, de vivre dignement de la vente des produits qu'il aura cultivés dans le respect de l'environnement.

Encore une fois, le projet de loi que nous allons voter n'a pas vocation à réintroduire les néonicotinoïdes : l'enrobage des semences de betterave sucrière ne concerne que 10 % des usages qui en étaient faits avant 2016, et dont 90 % resteront donc interdits. De plus, le ministre a apporté des garanties concernant leur rémanence, puisque la filière s'est engagée à ne pas cultiver de plantes mellifères dans les deux ans suivant la plantation de betteraves, afin d'éviter que des pollinisateurs ne soient contaminés par les néonicotinoïdes.

Le projet de loi n'entend pas nier le danger que présentent ces insecticides, mais l'encadrer strictement. Les travaux effectués en commission, puis en séance, ont abouti à un texte qui prévoit une utilisation restreinte à l'enrobage des semences, sous réserve d'un accord entre les ministres de l'agriculture, de la santé et de la transition écologique, et pour une durée limitée à trois ans au plus. Notre objectif demeure la transition agro-écologique, qui ne se fera pas sans les filières concernées et en premier lieu la filière de la betterave sucrière.

Plus généralement, tous ces débats ne doivent pas laisser croire que notre agriculture serait seule responsable de la chute de la biodiversité, du réchauffement climatique, des atteintes à l'environnement, ainsi que nous avons pu l'entendre au cours de nos discussions. Partout dans le monde, elle est reconnue comme la plus durable. Pourquoi toujours montrer du doigt les pratiques de 400 000 agriculteurs et ne jamais s'interroger sur le mode de vie des 67 millions de Français ? Certes, nous avons connu cette année une recrudescence des pollinisateurs et la production de miel battra certainement des records, mais ce phénomène n'est pas dû à l'interdiction des néonicotinoïdes : il résulte de l'arrêt de toute activité humaine pendant deux mois et par conséquent de la baisse de la pollution.

L'agriculture est une voie vers la reconquête de la biodiversité. Sa transition, sa mutation agro-écologique est enclenchée, mais le temps agronomique et agricole est plus long que le temps politique et médiatique. En tant que représentants de la nation, il est de notre devoir de calculer le rapport bénéfice-risque et de légiférer en fonction de l'intérêt général. C'est pourquoi le groupe La République en marche soutiendra ce texte, qui rend minime le risque lié à l'utilisation en faible quantité des néonicotinoïdes…

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